Le créole martiniquais (kreyòl Matnik ou tout simplement kreyòl) est une langue appartenant au groupe des langues créoles, parlée en Martinique et parmi la diaspora martiniquaise. Elle n'a pas le statut de langue officielle en Martinique, mais il s'agit d'une langue régionale parlée couramment dans toute l'île.
Créole martiniquais Kreyòl Matnik[1] | |
Pays | France |
---|---|
Région | Martinique |
Nombre de locuteurs | Martinique : 418 000 (2001)[2] |
Typologie | SVO, isolante |
Classification par famille | |
|
|
Codes de langue | |
IETF | gcf (créole guadeloupéen)
|
ISO 639-3 | gcf (créole guadeloupéen)
|
WALS | mqc
|
Échantillon | |
Atik premye ki sòti déclaration des droits de l’homme de 1789 version en créole martiniquais par la ligue des droits de l’homme (section Martinique) : « Tout moun ki ka wè jou, se lib yo ye epi yo ni menm dwa a. Yo paka ni menm plas ak menm wotè adan sosyete a, men se lespri yòn a lot ki mennen yo. »[3]. | |
modifier ![]() |
Ce créole est très proche de ceux des îles voisines, tels que le créole guadeloupéen (la différenciation d'avec ce dernier ne date que du XIXe siècle[4] et si le World Atlas of Language Structures lui a attribué un code différent, elle partage toujours les mêmes codes ISO 639-3, IETF et Glottolog que le créole guadeloupéen) ou les créoles dominiquais, saint-lucien (qui partagent des structures syntaxiques et grammaticales pratiquement identiques, quoique leur lexique comprenne plus de mots d'emprunt anglais), haïtien et guyanais.
Le créole martiniquais, tout comme les créoles guadeloupéen, haïtien, saint-lucien et dominiquais, est de base lexicale française, mais contient bien évidemment de nombreux apports syntaxiques et lexicaux africains provenant de langues d'Afrique de l'Ouest, telles que le wolof, le fon, l'éwé ainsi que des langues congolaises telles que le kikongo, du kalinago, langue autochtone amérindienne, ainsi que de l'anglais et de l'espagnol.
La genèse du créole martiniquais, est, comme tout créole, l'histoire d'un contact entre deux populations de langues différentes devant communiquer. Au sein de ces deux populations, l'une est subordonnée à l'autre, et par conséquent, tenue de parler la langue du dominant (les théories sur le détail de ces contacts, et la façon dont ils aboutissent à une langue créole, sont diverses et toujours débattues). On ne commence à parler de « langue créole » qu'à partir du moment où le langage/pidgin, développé au départ pour la communication entre le colon et le colonisé, est appris par une nouvelle génération de locuteurs et utilisé pour les usages de tous les jours, et non plus uniquement comme lingua franca.
Les premières descriptions des possibles ancêtres des créoles antillais sont le fait de missionnaires, de clercs ou de visiteurs blancs qui parlent d'un "baragouin", d'un "français corrompu" utilisé pour communiquer avec les "Sauvages" (Indiens Caraïbes) lorsqu'ils étaient nombreux dans les îles, puis avec les "Nègres" (esclaves)[5]. Le jargon utilisé par les colons pour communiquer avec les indiens caraïbes, un français populaire et extrêmement simplifié, n'est pas obligatoirement l'ancêtre à proprement parler du créole, mais au départ, celui-ci diffère peu du jargon utilisé pour parler aux esclaves[6] :
Puis, au fur et à mesure des contacts entre maitres et esclaves, les deux parties s'imitant mutuellement pour communiquer, le jargon s'éloigne progressivement du français, jusqu'à devenir la langue de la colonie[8]. D'ailleurs, à la fin du XVIIIe siècle, les visiteurs constatent que les Blancs usent déjà entre eux du "jargon" qui était au départ la langue des esclaves :
« Quoi qu'il en soit, le langage créole a prévalu. Non seulement il est celui des gens de couleur, mais même des Blancs domiciliés dans la colonie, qui le parlent plus volontiers que le français, soit par habitude, soit parce qu'il leur plaît davantage. »
— Justin Girod de Chantrans, Voyage d'un Suisse dans différentes colonies d'Amérique, p 191, 1785
Au départ, les colons français n'utilisent pas le terme "créole", mais le voient comme une déformation du français par des esclaves considérés comme incapables de bien le parler[9].
Ces descriptions des "jargons" ancêtres du créole commencent au XVIIe siècle[5], et les premiers textes apparaissent dans la 2e moitié du XVIIIe siècle[5]. Toutes ces anciennes retranscriptions émanent de francophones qui ne parlent pas forcément ce créole qu'ils décrivent[10], et à cette époque, on n'emploie pas encore le mot "créole" pour décrire ce langage[11].
L'un des plus anciens de ces textes (31 mai 1671) transcrit la déposition d'esclaves pécheurs dans une langue qui est l'ancêtre du créole martiniquais. Il s'agit d'un témoignage de rencontre en mer d'une créature "surnaturelle" en Martinique, au large du rocher du Diamant. Ici la déposition de l'un d'entre eux[5]:
"Proto-créole" | créole martiniquais actuel | Français |
« moi mirer un homme en mer du Diamant, moi voir li trois fois, li tini assés bon visage et zyeux comme monde » | Man wè an nonm an lanmè bò Dyaman-an, man wè'y twa fwa, i té ni an mannyè bèl fidji épi zyé kon moun. | J'ai vu un homme en mer près du Diamant, je l'ai vu trois fois, il avait un assez beau visage et des yeux humains. |
« li tini grande barbe grise, li sorti hors de l'eau, regardé nous tous » | I té ni an gran bab gri, i sòti an dlo-a, la ka gadé nou tout | Il avait une grande barbe grise, est sorti de l'eau et nous a tous regardés. |
« moi prendre ligne et zain pour prendre li. Moi teni petit peur; non pas grand » | Man pran lyen epi sen-lan pou pran'y. Man té ni pè tibren, tibren sèlman. | J'ai pris ma ligne et mon filet pour l'attraper. J'avais peur, juste un peu. |
« et puis li caché li. li tourné pour garder nous enpartant. li tini que comme poisson » | Epi i anni chapé séré. I tounen pou gadé nou lè i téka pati. I té ni an latjé kon an pwason. | Puis il s'est caché. Il s'est retourné pour nous observer en partant, il avait une queue de poisson. |
Le créole martiniquais s'est éloigné du français sur le lexique et sur la grammaire de façon assez similaire aux autres créoles antillais. L'essentiel de son lexique provient du français, malgré quelques apports anglais, espagnols, amérindiens et africains.
Le français et le créole s'éloignent au fur et à mesure, d'abord par imitation mutuelle des maîtres et des esclaves, puis simplement par éloignement géographique.
Les syntaxe et grammaire sont radicalement différentes de celles du français, à l'instar des temps verbaux se manifestant par une particule (par exemple ka pour le présent, téka pour l'imparfait) avant le verbe plutôt que par une terminaison:
Créole | français | |
Infinitif | manjé | manger |
Présent 1re personne du singulier | Man ka manjé | Je mange |
Imparfait 2e personne du singulier | Ou téka manjé | Tu mangeais |
La généralisation de l'utilisation de ces particules, et leur stabilisation, est assez tardive. Par exemple, la particule ka, qui d'ailleurs fait la différence entre les créoles en ka des petites Antilles (Martinique, Guadeloupe, Dominique) et les créoles en ap (haïtien), ne se généralise et se stabilise qu'au XIXe siècle[12], peut-être du fait de la convergence entre le créole des esclaves et celui des Blancs. Les transcriptions de créole les plus anciennes utilisent encore des infinitifs sans particules.
On observe également en grammaire créole quelques simplifications par rapport au superstrat français, notamment l'absence de genre grammatical ou de voix passive. Les pronoms personnels sont toutefois plus nombreux. Exemple de conjugaison du verbe dormir, dòmi :
Français | Créole | Remarques | |
Je | Man, Mwen, An | Man/Mwen/An ka dòmi | An est un guadeloupéanisme récent |
Tu | Ou | Ou ka dòmi | |
Vous (formel) | Ou | Ou ka dòmi | |
Il (neutre) | I | I ka dòmi | Le créole possède un pronom personnel neutre qui peut être à la fois synonyme de il ou de elle. |
Il (masculin) | Misyé, mesyé, musyeu | Misyè ka dòmi | Exemple : Musyeu pa djè ni tan: il n'a pas beaucoup de temps. |
Elle (féminin) | Manzel | Manzel ka dòmi | Exemple : Manzèl pa djè enmen jwé : elle n'aime pas beaucoup jouer |
Nous | Nou | Nou ka dòmi | |
Vous (pluriel) | Zòt | Zòt ka dòmi | Il ne s'agit pas d'un "vous" de vouvoiement |
Ils(neutre), Ils (masculin), Elles | Yo | Yo ka dòmi | Exemple : Yo ka jwé : ils jouent. |
Pour la 3e personne du singulier neutre "I", il est à noter également que, contrairement à d'autres créoles antillais, l'utilisation de "li" en pronom personnel non-réfléchi est quasiment absente.
Un grand nombre de mots créoles dérivent du français via une transformation prévisible. Ces mécanismes ont progressivement transformé le vocabulaire français en vocabulaire créole.
Français | Créole |
Allumer | Limen |
Ecouter | Kouté |
Oublier | Bliyé |
Enterrer | Téré |
Embarquer | Batjé |
Français | Créole |
Marcher | Maché |
Marquer | Matjé |
Dormir | Dòmi |
Français | Créole |
Table | Tab |
Calvaire | Kalvè |
Français | Créole |
Stylo | Estilo |
Statue | Estati |
Aiguille | Zédjwi |
Orange | Zoranj |
Mer | Lanmè |
Sœur (religieuse) | Masè |
Français | Créole |
Chavirer | Chalviré |
Trébucher | Trilbiché |
Comme tous les créoles, le créole martiniquais est l'évolution d'un pidgin créé pour l'intercompréhension d'une classe de colons et d'une classe de colonisés. La parenté entre les différents créoles ainsi créés par l'expansion coloniale européenne, et leur modalités d'apparitions est un sujet toujours débattu. Pour cette raison, et de par leur mode formation un peu particulier, les créoles ne sont en général pas placés dans grandes familles de langues selon leurs affinités génétiques, mais dans le groupe non-génétique des langues créoles. Ainsi, bien que classés dans ce groupe, les créoles du monde ne découlent pas d'un seul pidgin qui serait leur ancêtre à tous. Par exemple, les créoles à base lexicale anglaise découlent d'un autre épisode de créolisation que les créoles à base lexicale française.
La question de savoir si les créoles à base lexicale française sont le résultat d'un ou plusieurs épisodes de créolisation (c'est-à-dire de savoir si tous les créoles français ont un seul pidgin ancêtre en commun, ou se sont constitués indépendamment à plusieurs endroits de l'empire colonial français), n'est pas aussi controversée que pour le cas des créoles à base anglaise[17]. En effet, ces créoles se retrouvant dans trois régions très éloignées (Amériques, océan Indien, océan Pacifique), il est considéré qu'ils ne peuvent être issus de moins de trois genèses différentes et indépendantes[18]
Le créole martiniquais fait partie du continuum des « créoles antillais » (dont il est parfois considéré comme un dialecte), à l'instar des créoles guadeloupéen, saint-lucien, dominiquais, et trinidadien. Ces créoles antillais sont apparentés d'abord au créole haïtien, puis moins étroitement aux créoles continentaux louisianais et guyanais. Enfin, ces créoles américains se distinguent des créoles de l'océan Indien (mauricien, réunionnais, seychellois), ainsi que ceux du Pacifique (par exemple le Tayo, en Nouvelle-Calédonie).
français | martiniquais | guadeloupéen | dominiquais | haïtien | guyanais | louisianais | réunionnais | mauricien | tayo |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
La maison de mon père | Kay papa mwen | Kaz a pap'an mwen | Kaz papa mwen | Kay papa mwen | kaz mo papa | la mezõ dø ma pɛr | la kaz mon papa | Lakaz mo papa | mesõ pu papa pu mwa |
Trois de ses amis étaient là | Twa kanmarad-li té la | Twa zanmi a'y té la | Twa frenn-li te la | twa nan zanmi li yo te la | trwa di so zanmi té la | twa de so ami te la | troi son bann dalon lété la | Trwa (depi) so bann kamarad ti la | na trwa parmi tle kamarad pu lja sa sola ete la |
Où est-il? | Eti-y? Kote i ye a ? | Ola i yé? | Ola i ye? | kote l'(i) (ye)? | koté li fika ? | Eu li je? | ousa li lé? | Kot li (ete)? | le u lka? |
Sa mère l'appelle | Manman-y ka kriye-y / Manman li ka kriye li | Manman a'y ka kriyé'y | Manman'y ka kouye'y | manman'l ap rele'l? | so manman ka aplé li | so momã e pele (pɛle) li | son moman i kriy ali | So mama pe kriye li | mater pu lja la ãtrãde aple lja |
Les travaux précurseurs sur la classification des créoles français, en utilisant des caractéristiques morpho-linguistiques plutôt que géographiques, datent des années 1960[19]. Parmi ces caractéristiques morphologiques, on trouve notamment la particule préverbale ka pour le présent progressif, qui est partagé par les créoles des Antilles et guyanais, là ou les créoles haïtiens possèdent une particule ap. De la même façon, on observe la présence de ba(y) pour "donner" rapprochant tous les créoles caribéens + guyanais et les différenciant du créole louisianais.
M. F. Goodman (1964) classe les créoles français comme ci-dessous[20]:
À l'origine langue parlée à la fois par les esclaves et les colons, le créole est progressivement entré en compétition avec le français qui se diffusait dans les Antilles. Assez rapidement, et comme dans les autres possessions françaises des Caraïbes, le créole martiniquais se voit relégué : « ces langues [sont] en butte à la répression scolaire et sociale »[9].
L'école participe activement à la francisation des Martiniquais. Pendant longtemps, le créole, considéré comme une variété inférieure, n'a pas droit de cité dans l'enceinte scolaire. Les différentes lois autorisant ou promouvant l'enseignement des langues régionales à l'école (loi Deixonne de 1951, loi Haby de 1975, circulaire Savary de 1982...) n'ont presque pas d'impact en Martinique. Seules quelques expériences d'enseignement du créole sont menées à Rivière-Pilote et à Basse-Pointe dans le premier cycle du secondaire[9].
Ce n'est que dans les années 1990 que le créole est intégré à l'enseignement, afin d'améliorer les résultats des élèves. En 2000, un CAPES de créole a été instauré, qui concerne tous les créoles antillais[21].
En Martinique, le créole n'a aucun statut contrairement au français qui a valeur de langue officielle. Les deux langues sont dans une situation de diglossie, inégalitaire : « La langue française, à quelques exceptions (...) près, peut être utilisée dans toutes les situations de parole (formelles et informelles) tandis que la langue créole tend à n'être employée que dans les situations informelles »[21]. L'usage du créole obéit donc à des règles sociales, comme l'indique Jean Bernabé : « on ne parle pas créole impunément dans n’importe quelle situation »[21].
La transmission du créole se fait par deux biais. Dans les familles uniquement créolophones, la langue est transmise par les parents aux enfants. Dans les familles où le français domine et est la langue maternelle, les parents n'enseignent pas le créole à leurs enfants : la langue est transmise par les pairs (groupes d'amis, etc) qui ne parlent pas français[21]. Néanmoins, les locuteurs créolophones unilingues sont de plus en plus rares. En effet, « les progrès de la scolarisation précoce et plus encore, le développement des crèches sont à l’origine d’une mutation cruciale qui est en train de transformer la langue française en langue maternelle de tous les Guadeloupéens et Martiniquais »[21]. Cependant, pour Jean Bernabé, le créole ne semble pas menacé, car il est présent fortement dans les médias martiniquais (radio et télévision)[21]. Dans le même temps, le créole tend à se rapprocher de plus en plus du français, ce qui constitue selon l'auteur une « décréolisation qualitative »[21].
Dans les années 1980, « L.-F. Prudent relève la propension des Martiniquais à employer le créole et le français en même temps, pratique qu’il nomme interlecte »[9]. Les deux langues s'interpénètrent, se mélangent : le français s'est répandu dans les salles de classe, mais le créole a fait son apparition dans la publicité et dans les médias. Cet interlecte est surtout pratiqué en milieu urbain (Fort-de-France), où se concentre la majorité de la population. Pour G. Daniel Véronique, « un nouveau rapport interlinguistique s’est instauré » entre créole et français[9]. Voici un exemple de créole mélangé au français[22] :
« Kréyol sé lang nou Martiniké... alo nou ka palé kréyol... tandis que, en France, c'est le français qu'on parle. Alors comme nou za abitué palé kréyol nou, sé kréyol nou ka palé... »
— L.F. Prudent, 1983
Le créole est la langue maternelle de la majorité de la population martiniquaise. D'autre part, il est parlé en tant que seconde langue maternelle par certaines catégories, notamment les békés, descendants des anciens propriétaires terriens français. De même, « tous les nouveaux immigrants d’Asie ou du Proche-Orient ont maintenant perdu leur langue d’origine et ont adopté le créole martiniquais comme langue maternelle »[22]. Les métropolitains, surnommés « métros » ou « zoreilles », ne parlent généralement que le français[22].
Comme la plupart des créoles antillais, le créole martiniquais s'est toujours écrit via l'alphabet latin. On distingue plusieurs types de graphies : les graphies étymologiques et les graphies phonético-phonologiques[23].
Avant toute standardisation, et depuis le XVIIe siècle, les tentatives pour écrire le créole martiniquais se calquaient sur le français. Un mot créole était écrit de façon qu'il ressemble au mot français dont il est issu. C'est pourquoi on parle de graphie étymologique. Par exemple, J. Turiault écrit en 1874[24]:
Créole martiniquais | français |
« Monte ou assous couche ou bouc ou tou » | Votre montre est sur votre couche, votre boucle aussi |
La graphie étymologique fait en sorte que l'on puisse reconnaître que monte = montre, couche = couche, bouc = boucle.
Depuis les années 1970, le créole martiniquais fait l'objet d'une standardisation par un organisme nommé groupe d'études et de recherches en espace créolophone (GEREC)[25]. Les graphies étymologiques sont abandonnées au profit d'une graphie standardisée phonético-phonologique[26].
Cette graphie, qui est aujourd'hui la plus employée[réf. souhaitée], est cependant largement critiquée par de nombreux segments de la population martiniquaise. La graphie phonétique rend en effet souvent le texte difficilement compréhensible par les locuteurs du créole, qui, étant tous alphabétisés en français, doivent faire un pénible effort de déchiffrement pour retrouver le sens des mots, comme le ferait un locuteur du français si ce dernier était écrit de manière purement phonétique. Par ailleurs, cette graphie est également critiquée[Par qui ?] sur un plan plus politique, ses détracteurs considérant qu'elle est motivée par des relents nationalistes et relève d'une volonté de faire passer le créole pour une lanque plus éloignée du français qu'elle ne l'est réellement[réf. souhaitée]
Graphie étymologique | Graphie standard GEREC | Français |
Monte ou assous couche ou bouc ou tou | Mont-ou asou kouch-ou bouk-ou tou | Votre montre est sur votre couche, votre boucle aussi |
Ça ou pa save grand passé'w | Sa ou pa sav gran pasé'w | Ce que tu ignores te surpasse (proverbe) |
Ravèt pa janmin ni raison douvant poule | Ravèt pa janmen ni rézon douvan poul | Les cafards n'ont jamais raison face aux poules (proverbe) |
Le standard GEREC pour le créole martiniquais contient 24 lettres : a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, r, s, t, u, v, w, y, z[27]. Il comprend également les signes diacritiques que sont les accents aigus et graves sur les lettres e et o pour noter les phonèmes /e/ (é), /ɛ/ (è) et /ɔ/ (ó). Contrairement à la graphie choisie pour le créole haïtien, le créole martiniquais supporte les accents é, et è.
L'orthographe selon le standard GEREC est phonétique. À chaque son correspond une unique lettre ou combinaisons de voyelles.
Le digramme ch est considéré comme une seule même lettre, notant le phonème /ʃ/.
De même, u et x sont peu fréquents en créole et sont souvent substituées respectivement par ou et par ks, kz ou z. Ex. « Par exemple : Xavier, est-ce que tu es là ? » devient « Pa èkzanp: Zavyé, ès ou la? ».
Une certaine confusion règne entre l'utilisation du r et du w, mais ces deux lettres sont bien distinctes.
Dans une syllabe où se trouve une voyelle arrondie (o, ou, on), on utilise w. Ainsi on a wou (roue). Dans une syllabe comportant une voyelle non arrondie (a, e, è, i, an), on ne se réfère qu'à la prononciation de la syllabe pour savoir s'il faut écrire r ou w. Ainsi, rat devient rat /rat/ et non « wat ». Gras devient gra et non « gwa » qui correspond plus à la suite /gw/ de Guadeloupe qui devient Gwadloup.
Dans le tableau ci-dessous ne sont recensées que les lettres qui diffèrent de leur emploi français standard :
Créole | Transcription
API |
Français standard |
---|---|---|
g | /g/ | /g/ ou /ʒ/ |
h | /h/ | Muet, le «h» n'influence que l'élision en français standard |
w | /w/ | /w/ ou /v/ |
r | /w/ | /ʁ/ |
s | /s/ | /s/ ou /z/ |
y | /y/ | /i/ ou /j/ |
an | /ɑ̃/ | /ɑ̃/ ou /an/ |
an' | /ɑn/ | Rare comme dans «âne» → /ɑn/ |
ann | /ɑ̃n/ | Très rare, surtout en contexte de liaison.
J'en ai reçu → /ʒɑ̃nɛʁsy/ Comparativement à J'en suis sorti → /ʒɑ̃sɥisɔʁti/ |
anm | /ɑ̃m/ | Aucune équivalence en français standard |
ay | /aj/ | Généralement orthographié «ai»
Travail → /tʁavaj/ Bail → /baj/ Ail → /aj/ |
in | /in/ | Comme dans « Chine » /ʃin/ |
en | /ɛ̃/ | Généralement écrit « in » (d'autres formes existent) |
enn | /ɛ̃n/ | Aucune équivalence en français standard |
on | /ɔ̃/ | |
onm | /ɔ̃m/ | Aucune équivalence en français standard |
onn | /ɔ̃n/ | Très rare, surtout en contexte de liaison
On a acheté → /ɔ̃nɑaʃte/ Le bon ami → /ləbɔ̃nami/ |
ch | /ʃ/ | |
tj | /tʃ/ | Généralement orthographié « tch » comme dans
République tchèque |
Proverbe | signification | signification littérale |
---|---|---|
Bèf-la ka janbé la pak ba | On recherche toujours la solution la plus facile/ on profite toujours de ceux qui sont les plus faibles | Le bœuf enjambe la barrière au plus bas |
Pa fè moun sa ou pé té ké enmen yo fè'w | Ne fais pas aux autres ce que tu n'aurais pas aimé que l'on te fasse | Ne fais pas aux autres ce que tu n'aurais pas aimé que l'on te fasse |
Mouton enmen kité kou'y pann | Il faut se méfier de ceux qui affichent une grande humilité | Le mouton aime garder son cou penché |
Ri diri, pléré lanti | rira bien qui rira le dernier | rire du riz, pleurer des lentilles |
Pati pa rivé | rien ne sert de courir, il faut partir à point | en partant, on n'est pas certain d'arriver ("parti, pas arrivé") |
Yich tig paka fèt san zong | tel père, tel fils | un tigre ne naît pas sans griffes |
Chyen paka fè chat | les chiens ne font pas des chats | les chiens ne font pas des chats |
Chak chyen ka léché tèt kal yo an gou kò yo | Chacun fait comme il l'entend[28] | Chaque chien se lèche les parties selon son goût[29] |
Tibèf pa janm fèt san latjé | tel père, tel fils | un veau ne naît pas sans queue |
Ti poul suiv' ti kanna mo néyé | Il faut agir selon ses capacités, rester dans sa catégorie | Le poussin qui suit le caneton meurt noyé |
Ravèt pa janm ni rézon douvan poul | la raison du plus fort est toujours la meilleure | le cafard n'a jamais raison devant la poule |
Sé bon pyé ki sové mové kò | ce sont les pieds sains qui peuvent sauver un corps malade | ce sont les pieds sains qui peuvent sauver un corps malade |
Kabrit bwè, mouton sou | il ne faut pas se fier aux apparences | le cabri boit, mais on accuse le mouton d'être saoul |
Sa ki ta'w, larivyè paka chayé'y | Nul n'échappe à son destin | Ce qui est tien la rivière n'emporte pas |
Dapré manman makak se yich li ki pli bel/ Tout makak ka touvé yich yo bel/Makak pa janm touvé yich yo led | On manque de recul par rapport à sa famille | D'après la mère du singe, la plus belle créature sur terre c'est son fils/Tous les singes trouvent leurs enfants beaux/les singes n'ont jamais trouvé que leurs enfants étaient laids |
Chien maré fèt pou lapidé | Une personne coincée dans une situation/sans échappatoire est à la merci des autres | Un chien attaché est fait pour se faire lapider |
Trop pressé pa ka fè jou rouvè | Chaque chose vient en son temps, rien ne sert de s'énerver | Le jour ne se lève pas plus vite pour les gens pressés |
Chyen pa lé bannann, pa lé poul pran'y | Se dit d’une personne qui ne veut pas partager quelque chose, même si elle n’en veut pas | Le chien ne veut pas de bananes, mais ne veut pas que les poules les lui prennent |
Dictionnaires :
[gcf]
dans la base de données linguistique Ethnologue.