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Le croate (en croate : hrvatski) est l’une des variétés standard, utilisée par les Croates, de la langue serbo-croate[2], désignée par certains linguistes « diasystème slave du centre-sud »[3], štokavski jezik « langue chtokavienne »[4], standardni novoštokavski « néochtokavien standard »[5] ou BCMS (bosnien-croate-monténégrin-serbe)[6].

Croate
Hrvatski
Pays Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie (Voïvodine)
Nombre de locuteurs Croatie : 4 100 000 (2011)[1]
Total : 7 500 000[1]
Nom des locuteurs croatophones
Typologie SVO + ordre libre, flexionnelle, accusative, accentuelle, à accent de hauteur
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle Croatie
 Union européenne
Bosnie-Herzégovine
Voïvodine (Serbie)
Régi par Institut za hrvatski jezik i jezikoslovlje
Codes de langue
IETF hr
ISO 639-1 hr
ISO 639-2 hrv
ISO 639-3 hrv
Étendue langue individuelle
Type langue vivante
Linguasphere 53-AAA-gc  Hrvatski-F
53-AAA-gf  Hrvatski-G
Glottolog croa1245
Échantillon
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme (voir le texte en français)

Članak 1 : Sva ljudska bića rađaju se slobodna i jednaka u dostojanstvu i pravima. Ona su obdarena razumom i sviješću i trebaju jedno prema drugome postupati u duhu bratstva.
Carte

Distribution du croate (en bleu) en Croatie et dans les pays voisins (2006).

Du point de vue de la sociolinguistique, le serbo-croate est une langue standardisée pluricentrique[7] commune aux Serbes, aux Croates, aux Bosniaques et aux Monténégrins, ayant pour base son dialecte chtokavien, ses autres variétés standard étant le serbe, le bosnien et le monténégrin[8].

La standardisation du croate actuel fut commencée dans la première moitié du XIXe siècle, par un groupe de lettrés ayant à leur tête Ljudevit Gaj, partiellement en accord avec certains lettrés serbes, premièrement Vuk Stefanović Karadžić, qui œuvraient à la standardisation de la langue littéraire serbe[9]. Il en a résulté un standard peu différent de celui du serbe, notamment par l’alphabet latin réformé par Ljudevit Gaj et son orthographe pratiquement phonémique. Cet alphabet correspondait exactement à l’alphabet cyrillique proposé par Karadžić, et il fut adopté ultérieurement par le standard serbe à côté du cyrillique. Après la désintégration de la Yougoslavie, le croate est devenu officiel avec l’appellation « langue croate »[10], et de sa norme s’occupe l’Institut de la langue croate et de la linguistique[11].


Répartition géographique et statut


Le nombre total des Croates est estimé à environ six millions. Si au sujet de ceux de Croatie et des autres républiques ex-yougoslaves on peut affirmer qu’ils parlent croate, on ne peut pas dire combien de ceux des pays limitrophes ou plus ou moins lointains le connaissent, à moins que les statistiques disponibles ne le précisent. Le croate est également parlé par des minorités croates dans les pays voisins ou proches, où ils vivent depuis l’époque de l’Empire d'Autriche et/ou de l’ex-Yougoslavie, ainsi que dans l’émigration :

PaysNombre de personnesStatut des personnesAnnée
Croatie4 096 305de langue maternelle croate2011[12]
3 059de langue maternelle croato-serbe
Bosnie-Herzégovine3 861 912 (15,4 % de la population totale)d’ethnie croate2016[13]
14,6 % de la populationde langue maternelle croate
Chili380 000d’origine croate[14]
Argentine250 000, dont 8 000 nées en Croatied’origine croate[14]
Allemagne219 541citoyens de la Croatie2011[15]
Autriche131 000locuteurs de croate du Burgenland2003[16]
44 489nées en Croatie2017[17]
Suisse100 000d’origine croate1996[18]
Australie61 548parlant croate à la maison2011[19]
États-Unis d'Amérique53 040parlant croate à la maison2013[20]
Canada52 330de langue maternelle croate2011[21]
Brésil50 000, dont 15 000 nées en Croatied’origine croate[14]
Slovénie35 642d’ethnie croate2002[22]
Serbie19 223de langue maternelle croate2011[23]
Hongrie16 053parlant croate en famille, avec les amis2011[24]
Italie17 472citoyens de la Croatie2019[25]
1 000locuteurs de croate de Molise2012[26]
Pérou6 800, dont 800 nées en Croatied’origine croate[14]
Suède6 221citoyens de la Croatie2016[27]
Monténégro6 021d’ethnie croate2011[28]
Roumanie5 167de langue maternelle croate2011[29]
Uruguay5 000d’origine croate[14]
République de Macédoine2 686d’ethnie croate2002[30]

Le croate est langue officielle en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, au Monténégro[31], en Serbie, dans la province de Voïvodine[32], et à l’Union européenne.

Le croate a le statut de langue minoritaire en Autriche (Burgenland)[33] et en Italie (Molise)[34]. En Roumanie, le croate peut être utilisé dans les rapports avec l’administration publique locale, dans les localités où ceux dont c’est la langue maternelle constituent plus de 20 % de la population[35]. C’est le cas des localités Carașova et Lupac du județ de Caraș-Severin. La langue y est également enseignée, de l’école maternelle jusqu’au baccalauréat[36].


Variétés régionales


Article connexe : Croate du Burgenland.
Répartition des dialectes du croate en Croatie et Bosnie-Herzégovine
Répartition des dialectes du croate en Croatie et Bosnie-Herzégovine

Les variétés régionales du croate[37] sont considérées de deux points de vue : morphologique d’abord, phonologique ensuite.

1. En prenant pour distinction la forme du pronom interrogatif signifiant « quoi » (što, ča et kaj), on distingue trois dialectes :

2. Une autre division, qui se superpose aux dialectes, est opérée à partir de la façon dont a évolué le son ĕ du vieux slave, que l'on désigne du nom de « yat ». Selon ce critère, il y a trois variétés nommées izgovori « prononciations » :


Histoire


Cette section présente brièvement l’histoire externe de la langue croate[38].


Les débuts


Les premiers textes rédigés par des Croates ont été écrits au IXe siècle en vieux-slave, avec l’alphabet glagolitique, mais ils ne se sont pas conservés. Les plus vieux textes glagolitiques croates conservés datent du XIe siècle, la plupart gravés dans la pierre, comme la stèle de Baška (île de Krk). C’est le premier texte en vieux-slave avec des éléments de la langue vernaculaire. Il est remarquable par ses dimensions et par l’importance du texte qui, pour la première fois, mentionne le peuple croate.

Stèle de Baška (un peu avant 1100)
Stèle de Baška (un peu avant 1100)

Au XIIe siècle on commence à utiliser l’alphabet cyrillique également. L’alphabet latin n’est employé qu’à partir du XIVe siècle, coexistant pendant quelque temps avec les deux premiers. L’utilisation du glagolitique dure jusqu’à la fin du XVe siècle, et pour certaines régions côtières jusqu’au début du XIXe siècle.

Jusqu’à la seconde moitié du XVe siècle, la littérature est écrite en slavon d'église croate. Sa période de gloire se situe aux XIVe – XVe siècles, étant illustrée par des œuvres telles le Missel du duc Novak (1368, région de Lika, au Nord-Ouest de la Croatie), et l’Évangéliaire de Reims (1395), rédigé en partie en glagolitique. D’autres livres de cette époque sont le Missel du duc Hrvoje (1404, de Split, en Dalmatie) et le premier missel imprimé (1483). Aussi les Croates étaient-ils les seuls catholiques d’Europe qui avaient l’autorisation de Rome de ne pas se servir du latin dans la liturgie, ni de l’alphabet latin[39].

Missel du duc Novak (1368)
Missel du duc Novak (1368)

Aux XIIe – XVe siècles, la langue slave du sud parlée sur le territoire de l’ancienne Yougoslavie se morcelle en de nombreux parlers, groupés dans les dialectes qui existent aujourd’hui encore.

Vue sur le pays d’Istrie (1275)
Vue sur le pays d’Istrie (1275)
Codex de Vinodol (1288)
Codex de Vinodol (1288)
Missel croate du Vatican (1380-1400)
Missel croate du Vatican (1380-1400)

Le croate moderne et sa standardisation


Le croate moderne, c’est-à-dire peu différent de celui de nos jours, commence à s’imposer aux XIVe – XVe siècles. Sa première attestation importante est le Missel croate du Vatican.

La grammaire Bartul Kašić (1604)
La grammaire Bartul Kašić (1604)

Les premiers éléments de standardisation datent du XVIIe siècle, appelé aussi époque du Slavisme baroque, la standardisation étant reflétée par la littérature de cette époque. Ce qui contribue essentiellement à la formation du croate moderne, c’est :


Le mouvement illyrien


La standardisation du croate est étroitement liée à l’éveil de la conscience nationale des Croates, qui s’inscrit dans la tendance générale de l’Europe de la première moitié du XIXe siècle[40]. Dès 1812, Šime Starčević publia à Trieste une Nouvelle grammaire illyrienne (en croate, Nova irilička gramatika). Il était le précurseur de ce qu’on appelle le « Renouveau national croate » qui fut mené par le Mouvement illyrien, auquel participait surtout la jeunesse intellectuelle d’origine bourgeoise. Son chef était Ljudevit Gaj, linguiste, homme politique, journaliste et écrivain d’origine française. Dans son livre Kratka osnova horvatsko-slavenskog pravopisanja (Abrégé d’orthographe croato-slavonne) (Buda, 1830), il proposa l'alphabet utilisé par le croate encore de nos jours, fondé sur l’alphabet latin, avec des diacritiques empruntés aux alphabets du tchèque et du polonais, ainsi qu’une orthographe phonémique. Cette graphie se généralisa par la suite sur tout le territoire habité par des Croates, à la place des graphies italienne, allemande et hongroise utilisées dans les régions respectives.

C’est à cette époque que s’imposa le standard unitaire du croate fondé sur le dialecte chtokavien à prononciation (i)jékavienne, la littérature dans les autres dialectes tombant en désuétude.

L’idéologie du Mouvement illyrien ne se limitait pas à la Croatie. Son idéal était l’union de tous les Slaves du sud, des Slovènes et jusqu’aux Bulgares, qui vivaient tous sous domination étrangère, en une utopique nation illyrienne. Ses aspirations concordaient avec celles de certains lettrés serbes, ce qui mena sur le plan linguistique à l’idée de langue serbo-croate. Il y avait en effet une convergence entre la réforme de Vuk Stefanović Karadžić concernant le serbe, qui fonda le standard de celui-ci sur le même dialecte chtokavien, et celle de Ljudevit Gaj. Cela se manifesta, entre autres, dans l’« Accord de Vienne » (1850), signé par sept lettrés croates et serbes (dont Vuk Karadžić), à l’initiative du linguiste slovène Franc Miklošič. Cet accord établit certaines normes communes pour les langues croate et serbe.

À partir de cette époque, le domaine linguistique interfère avec le domaine politique, et ce jusqu’à nos jours, la relation entre croate et serbe oscillant d’une époque à l’autre entre l’idée d’une langue unique et celle de deux langues à part, en fonction des évènements historiques que leurs locuteurs traversent.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les mouvements pour l’indépendance s’intensifient. Pour beaucoup de Croates cette indépendance n’est réalisable que dans l'union avec les autres Slaves du sud, et d'abord avec les Serbes. L’évêque croate de Đakovo, Josip J. Strossmayer, élabore en 1866 un premier programme d’unification des Slaves du sud de l’Empire d'Autriche, utilisant le terme « yougoslave », et fonde à Zagreb l’Académie yougoslave des sciences et des arts. Deux écoles principales se dessinent alors dans le domaine linguistique :


XXe siècle


Le rapprochement entre croate et serbe continue après la Première Guerre mondiale, cette fois dans le cadre du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, devenu plus tard le Royaume de Yougoslavie, sous l’égide de la Serbie, pays vainqueur dans la guerre. L’idée de la langue serbo-croate est de plus en plus soutenue par les autorités de Belgrade. Plus encore, ces dernières cherchent à imposer le serbe à prononciation ékavienne comme langue de tout l’État, ce qui n'est pas du goût des Croates désireux d'indépendance.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale est fondé l’État indépendant de Croatie, satellite de l’Allemagne nazie, qui déclenche une persécution terrible contre la minorité serbe. Sur le plan linguistique, une « purification » du croate a pour but d'en éliminer les éléments serbes[41].

Dans la seconde Yougoslavie, la promotion de la langue serbo-croate et les tentatives d’estomper les différences entre le croate et le serbe deviennent les composantes d'une politique linguistique officielle, acceptée également par les communistes croates, ce qui ressort clairement de l’« Accord de Novi Sad » (1954). Signé par 25 linguistes et écrivains, 18 serbes et sept croates, on y stipule que la langue commune des Serbes, des Croates, des Monténégrins et des Bosniaques est le serbo-croate, que l’on peut aussi appeler croato-serbe, ayant deux variantes littéraires, le serbe et le croate. On décide par la même occasion de créer un dictionnaire unique. Toutefois, en Croatie l’appellation de la langue officielle reste « croate » (entre 1943 et 1970), puis « croate ou serbe » (entre 1970 et 1990).

À la suite de la relative libéralisation du régime dans les années 1960, les intellectuels croates manifestent leur mécontentement causé par la domination du serbe dans les instances officielles. En 1967, sept linguistes et écrivains rédigent une « Déclaration au sujet de la situation et de la dénomination de la langue littéraire croate », où l’on revendique de mettre sur un pied d’égalité non pas trois, mais quatre langues de Yougoslavie : le slovène, le croate, le serbe et le macédonien, et de mettre un terme à la domination du serbe sur le plan étatique et dans les institutions fédérales. Dans les années 1970 (époque appelée le « Printemps croate »), la langue littéraire croate est déclarée entité à part.

À la suite de la proclamation de la souveraineté de la Croatie (1991) et des guerres en Yougoslavie, les tendances puristes vouées à séparer le croate du serbe se renforcent, dénonçant et rejetant les « serbismes » et les « internationalismes »[42]. On réintroduit dans la langue de nombreux mots plus ou moins sortis de l’usage depuis des décennies, et on crée des néologismes à base slave.


Phonologie, phonétique et prosodie


Cette section traite de façon succincte des principaux aspects phonologiques, phonétiques et prosodiques du croate[43].


La correspondance graphie–prononciation


Le croate possède 32 phonèmes, son écriture étant en grande partie phonémique. Les lettres et les phonèmes correspondent entre eux comme suit :

LettreTranscription phonétiquePrononcée à peu près comme dans
A, a/a/arc
B, b/b/bon
C, c/t͡s/tsar
Č, č/t͡ʃ/tchèque
Ć, ć/t͡ɕ/tien (t mouillé)
D, d/d/donner
Đ, đ/d͡ʑ/diable (d mouillé)
DŽ, dž/d͡ʒ/l’anglais gin
E, e/e/é
F, f/f/film
G, g/g/gare
H, h/x/entre le h aspiré de « hahaha » et le j espagnol de « Juan »
I, i/i/idée
ije/i͜j/[44]pierre
J, j/j/yeux
K, k/k/kilo
L, l/l/lac (l plus dur qu'en français)
Lj, lj/ʎ/lien (l mouillé)
M, m/m/mal
N, n/n/nage
Nj, nj/ɲ/indigné
O, o/o/orange
P, p/p/pas
R, r/r/rare (r roulé)
/r̥/[44] vocalique
S, s/s/sac
Š, š/ʃ/chat
T, t/t/tour
U, u/u/ourlet
V, v/ʋ/voix
Z, z/z/zèle
Ž, ž/ʒ/jour

Voyelles:

Trapèze vocalique du croate. — Le schwa central /ə/ n’est pas discriminant d’un point de vue phonologique.
Trapèze vocalique du croate. — Le schwa central /ə/ n’est pas discriminant d’un point de vue phonologique.
antérieure centrale postérieure
Voyelle fermée i /i/ u /u/
Aperture médiane e /e/ ou /ɛ/ o /o/ ou /ɔ/
Voyelle ouverte a /a/
La fréquence des voyelles et des consonnes[47].

Remarques :


Changements phonétiques rendus par écrit



Alternance a ~ ∅ (appelée nepostojano a « a labile »)

Une voyelle [a] euphonique apparaît à certaines formes du nom, mais aussi de l’adjectif, et disparaît à d’autres formes. Par exemple, le radical du mot signifiant « vieillard » est starc-, son nominatif singulier étant starac mais au cours de la déclinaison le a tombe : starca « du vieillard » (génitif). Dans le cas des radicaux féminins terminés en deux consonnes, ce a est présent au génitif pluriel entre les deux consonnes : radical sestr-, nominatif singulier sestra, génitif pluriel sestara.


Alternance l ~ o

Les noms et les adjectifs terminés en -ao, -eo ou -io [ex. čitao sam « j’ai lu » (sujet masculin), anđeo « ange », cio « entier »] étaient à une époque de l’histoire de la langue terminés par un l dur (čital, anđel, cil) qui a évolué en o, mais seulement en fin de mot. Cet o redevient l s’il n’est plus en position finale, mais suivi d’une désinence ou d’un suffixe : čitala sam « je lisais » (sujet féminin), anđela « de l’ange » (génitif), cijela « entière ».


Assimilation des consonnes

Lorsque deux consonnes, l’une sourde et l’autre sonore arrivent en contact par ajout d’une désinence ou d’un suffixe à un mot, la première consonne est assimilée par la seconde (assimilation régressive) : assourdie si cette seconde consonne est sourde, sonorisée si elle est sonore. Ainsi,

les consonnes sonoresb,g,d,đ,z,ž,deviennent
les consonnes sourdesp,k,t,ć,s,š,č,et vice-versa.

Par exemple, dans le mot vrabac « moineau », /b/ alterne avec sa correspondante sourde /p/. Cette dernière apparaît lorsque le /a/ tombe entre /b/ et /t͡s/, cette dernière étant sourde et assimilant /b/ : vrapca « du moineau » (génitif singulier).


Palatalisations

Certaines consonnes terminant la forme du cas nominatif d’un nom ou se trouvant à la fin du radical d’un verbe, peuvent subir un changement appelé palatalisation, sous l’influence d’une voyelle commençant une désinence ou un suffixe. Les cas les plus fréquents :


Accentuation


L’accent qui frappe l’une des voyelles d’un mot a un double caractère en croate. C’est un accent tonique ou d’intensité, c’est-à-dire la voyelle en cause est prononcée avec plus de force que les autres (comme en français), mais aussi un accent de hauteur, la voyelle frappée de l’accent tonique étant prononcée un ton plus haut ou plus bas que les autres. Il y a quatre sortes d’accent, des combinaisons entre le caractère descendant ou ascendant et la durée de la voyelle (longue ou brève). L’accent n’est noté que dans les ouvrages de linguistique, les manuels de langue et les dictionnaires. Leurs signes conventionnels sont ceux des exemples ci-dessous :

En croate, l’accent est mobile, avec quelques limitations, dont voici les principales :

Les voyelles non accentuées peuvent également être longues ou brèves. Les longues sont notées, sauf dans les écrits ordinaires, par un macron ¯ (žèna « femme » / žénā « des femmes », le génitif pluriel du nom). Une syllabe longue atone ne peut se trouver qu’après une syllabe accentuée.

Comme on peut le voir dans cet exemple, le caractère de l’accent et la durée des voyelles ont une valeur fonctionnelle. Ici ils marquent deux cas différents dans la déclinaison. La place de l’accent a également une valeur fonctionnelle, par exemple dans la déclinaison des adjectifs à forme brève (voir plus bas Déclinaison des adjectifs).

Il y a aussi des mots qui ne sont jamais accentués et d’autres qui parfois le sont et d’autres fois ne le sont pas. La première catégorie est constituée par les enclitiques, c’est-à-dire les pronoms personnels atones, les formes atones des verbes auxiliaires et la particule li, et la deuxième par les proclitiques, c’est-à-dire les prépositions, les conjonctions et la particule négative ne. Les deux catégories de clitiques forment un seul mot (du point de vue prosodique) avec le mot à sens lexical de leur groupe, portant un seul accent : dans le cas d’un enclitique, l’accent frappe le mot à sens lexical, dans celui d’un proclitique, c’est ce dernier qui est accentué, à condition que l’accent du mot à sens lexical soit descendant. Exemples :

Parmi les conjonctions il y en a qu’on ne peut pas accentuer, a « et », da « que » et i « et », à moins qu’elles ne soient suivies d’une pause : životinje ȋ, što je važno, ljudi « les animaux et, ce qui est important, les gens ».


Grammaire


Le croate étant une variété du BCMS, son système grammatical est essentiellement le même que celui des autres variétés de ce diasystème[49]. Ce système se distingue de celui du français par plusieurs caractéristiques. En effet, comme le français, c’est, du point de vue de la typologie morphologique, une langue synthétique, mais le BCMS l’est à un degré élevé par rapport au français, c’est-à-dire que le nom, l’adjectif et les pronoms se déclinent, ayant des formes distinctes marquées par des désinences pour remplir telle ou telle fonction syntaxique dans la phrase, et toutes les formes personnelles des verbes se distinguent nettement par des désinences.


Morphologie


Cette section traite des principales caractéristiques de la morphologie du croate[50].


Le nom


Genre des noms

Les noms croates peuvent être de trois genres :


Déclinaison des noms

En croate, la déclinaison se caractérise par sept cas, les noms étant groupés en quatre classes de déclinaison, d’après leur désinence au nominatif singulier. Voici la déclinaison régulière de quatre noms de deux classes de déclinaison comportant le plus grand nombre de noms.

CasMasculinNeutreFéminin
animéinanimésingulierplurielsingulierpluriel
singulierplurielsingulierpluriel
Nominatifmȃjstor « maître »mȃjstoriòdmor « repos »òdmorizlȃto « or »zlȃtamrȅža « filet, réseau »mrȅže
Génitifmȃjstoramȃjstōrāòdmoraòdmōrāzlȃtazlȃtāmrȅžēmrȇžā
Datifmȃjstorumȃjstorimaòdmoruòdmorimazlȃtuzlȃtimamrȅžimrȅžama
Accusatifmȃjstoramȃjstoreòdmoròdmorezlȃtozlȃtamrȅžumrȅže
Vocatifmȃjstore!mȃjstori!òdmore!òdmori!zlȃto!zlȃta!mrȅžo!mrȅže!
Instrumentalmȃjstorommȃjstorimaòdmoromòdmorimazlȃtomzlȃtimamrȅžommrȅžama
Locatifmȃjstorumȃjstorimaòdmoruòdmorima zlȃtuzlȃtimamrȅžimrȅžama

Remarques :


Fonctions des cas

CasFonction(s) principale(s)Exemple
NominatifsujetOvaj učenik je dobar « Cet élève est bon »
attributOn je učenik « Il est élève »
Génitifcomplément du nom exprimant le possesseurknjiga učenika « le livre de l'élève »
Datifcomplément d’objet indirect d’attributionDajte učeniku dobru ocjenu « Donnez une bonne note à l’élève »
Accusatifcomplément d’objet directVidim učenika « Je vois l’élève »
complément circonstanciel de lieu d’un verbe exprimant le déplacement vers un lieuIdem u grad « Je vais en ville »
Vocatifpour appeler, s’adresser à quelqu’unUčeniče! «  ! L’élève ! »
Instrumentalcomplément d’instrument (inanimé)Režem kruh ovim nožem « Je coupe le pain avec ce couteau »
complément d’accompagnement (animé)Idem u grad s učenikom « Je vais en ville avec l’élève »
Locatifcomplément de lieu d’un verbe n’exprimant pas le déplacement ou pas le déplacement vers un lieuOn živi u gradu « Il habite en ville »
complément d’objet indirect dont on parleReci mi nešto o tom učeniku « Dis-moi quelque chose au sujet de cet élève »

L’adjectif


Catégories d’adjectifs

Traditionnellement, les adjectifs sont classés comme suit :


Forme brève et forme longue

Les adjectifs peuvent avoir deux formes, brève et longue. La forme brève se caractérise par une terminaison en consonne au nominatif masculin singulier, et la forme longue – par la terminaison -i au même cas :

Presque tous les adjectifs qualificatifs ont les deux formes, la forme longue étant obtenue en ajoutant -i à la forme brève : smeđ > smeđi « marron, brun ». Dans leur cas, la forme brève est aussi appelée indéfinie, et la forme longue – définie. Celle-ci correspond en français à l’adjectif utilisé en tant que nom. Exemple : Kupio sam jedan šešir smeđ i jedan siv. Smeđi sam ubrzo izgubio, sivi nosim i danas « J’ai acheté un chapeau marron et un autre gris. Le marron, je l’ai vite perdu, le gris, je le porte encore aujourd’hui ».

Les adjectifs qui n’ont qu’une seule forme sont utilisés aussi bien comme définis que comme indéfinis. Les adjectifs d’appartenance n’ont qu’une forme brève, alors que ceux terminés en -ski, -nji et -ji, ainsi que les adjectifs au comparatif et au superlatif relatif (voir ci-dessous) – une forme longue.


Degrés de comparaison des adjectifs

Le comparatif de supériorité est formé avec des suffixes :

La comparaison se construit avec la préposition od régissant le génitif : (Kamen je tvrđi od zemlje) ou avec la conjonction nego + le nominatif : Kamen je tvrđi nego zemlja « La pierre est plus dure que la terre ».

Il y a aussi des adjectifs dont le comparatif est irrégulier dans la mesure où il a un autre radical que l’adjectif correspondant au grade positif : dobar – bolji « meilleur », zao – gori « pire », velik – veći « plus grand », malen – manji « plus petit », dug – dulji (qui a aussi le comparatif régulier duži) « plus long ».

Le superlatif relatif de supériorité s’obtient du comparatif avec le préfixe naj- : bliži « plus proche » > najbliži « le plus proche ». Trois constructions sont possibles avec l’adjectif au superlatif, comportant :


Déclinaison des adjectifs

Voici en guise d’exemple la déclinaison de l’un des types d’adjectifs réguliers :


Forme brève
CasMasculinNeutreFéminin
singulierplurielsingulierplurielsingulierpluriel
N.vȅlik « grand »vȅlikivȅlikovȅlikavȅlikavȅlike
G.vȅlikavȅlikīhvȅlikavȅlikīhvȅlikēvȅlikīh
D.vȅlikuvȅlikīm(a)/-imavȅlikuvȅlikīm(a)/-imavȅlikōjvȅlikīm(a)/-ima
A.vȅlika (animé), vȅlik (inanimé)vȅlikevȅlikovȅlikāvȅlikuvȅlike
V.vȅlikvȅlikivȅlikovȅlikāvȅlikavȅlike
I.vȅlikīmvȅlikīm(a)/-imavȅlikīmvȅlikīm(a)/-imavȅlikōmvȅlikīm(a)/-ima
L.vȅlikuvȅlikīm(a)/-imavȅlikuvȅlikīm(a)/-imavȅlikōjvȅlikīm(a)/-ima

Forme longue
CasMasculinNeutreFéminin
singulierplurielsingulierplurielsingulierpluriel
N.vȅlikī « le grand »vȅlikīvȅlikōvȅlikāvȅlikāvȅlikē
G.vȅlikōg(a)vȅlikīhvȅlikōg(a)vȅlikīhvȅlikēvȅlikīh
D.vȅlikōm(u/e)vȅlikīm(a)/-imavȅlikōm(u/e)vȅlikīm(a)/-imavȅlikōjvȅlikīm(a)/-ima
A.vȅlikōg(a) (animé), vȅlikī (inanimé)vȅlikēvȅlikōvȅlikāvȅlikūvȅlikē
V.vȅlikīvȅlikīvȅlikōvȅlikāvȅlikāvȅlikē
I.vȅlikīmvȅlikīm(a)/imavȅlikīmvȅlikīm(a)/-imavȅlikōmvȅlikīm(a)/-ima
L.vȅlikōm(e/u)vȅlikīm(a)/-imavȅlikōm(e/u)vȅlikīm(a)/-imavȅlikōjvȅlikīm(a)/-ima

Remarques :


Les pronoms


Les pronoms personnels

CasSingulierPluriel
N. « je/moi » « tu/toi »ȏn « il/lui », òno – neutreòna « elle » « nous » « vous »òni « ils/eux », òna – neutre, òne « elles »
G.mȅne, metȅbe, tenjȅga, ganjȇ, jesȅbe, senȃs, nasvȃs, vasnjȋh, ihsȅbe
D.mȅni, mitȅbi, tinjȅmu, munjȏj, jojsȅbi, sinȁma, namvȁma, vamnjȋma, imsȅbi"
A.mȅne, metȅbe, tenjȅga, ga, njnjȗ, ju, je, njusȅbe, senȃs, nasvȃs, vasnjȋh, ihsȅbe
V.ti!mȋ!vȋ!
I.mnȏm, mnómetȍbōmnjȋm, njímenjȏm, njómesȍbōmnȁmavȁmanjȉmasȍbom
L.mȅnitȅbinjȅm(u)njȏjsȅbinȁmavȁmanjȉmasȅbi

Au nominatif, au vocatif, à l’instrumental et au locatif, les pronoms personnels ont seulement des formes toniques, alors qu’au génitif, au datif et à l’accusatif, ils ont aussi bien des formes toniques que des formes atones.

Le pronom de politesse est Vi, écrit d’habitude avec majuscule.


Formes toniques

Elles sont utilisées :

À l’instrumental, 1re personne du singulier, il y a deux formes accentuées : la plus brève est utilisée après les prépositions, la plus longue sans préposition : Što se ne bi oženio mnome « Pourquoi ne se marierait-il pas avec moi ».


Formes atones

À l’accusatif, 3e personne du singulier, au masculin il y a deux formes atones et au féminin trois.

Les formes atones sont en général utilisées en tant que compléments sans préposition, devant ou après les formes verbales qui portent le sens lexical du verbe, prononcés avec le verbe en un seul mot prosodique : Jȃ sam te čȅkao « Je t’ai attendu(e) ». Les formes me, te, se, nj, nju peuvent aussi être utilisées après des prépositions qui, dans ce cas, sont accentuées : prȅdā me « devant moi », nj « pour lui ».

Quant à la distribution des formes ju et je « la » (accusatif), je s’emploie en général et ju dans le voisinage de la syllabe je, c’est-à-dire devant le verbe auxiliaire je (On ju je dočekao « Il l’a attendue ») et après les mots terminés en je : Ne voli limunadu, ali pije ju kad je vruće « Il/Elle n’aime pas la limonade, mais il/elle en boit quand il fait très chaud ».


Le pronom réfléchi

Contrairement au français, en croate il y a un seul pronom réfléchi, celui qui commence par s dans le tableau des pronoms personnels. Il se réfère toujours au sujet, quels que soient son genre, son nombre et sa personne : Naškodio si sebi « Tu t’es fait du mal à toi-même ». Il a des formes atones au génitif/accusatif et au datif. Celle d’accusatif est utilisée à la voix pronominale des verbes : Ja sam se počešljao « Moi, je me suis peigné(e) », Ti si se počešljala « Toi, tu t’es peignée », Sestra se počešljala" « Ma sœur s’est peignée », Dječaci su se počešljali « Les garçons se sont peignés ».


Pronoms et adjectifs interrogatifs-relatifs

Les mots tko « qui » et što « que, quoi » sont seulement pronoms :

Déclinaison :

Nominatiftkȍštȍ
Génitifkòga, kȍgčèga, čȅg
Datifkòmu, kòme, kȍmčèmu
Accusatifkòga, kȍgštȍ
Instrumentalkȋm, kímečȋm, číme
Locatifkȍm, kòmečȅm, čemu

Les mots suivants sont pronoms ou adjectifs :

En général, ces mots se déclinent comme les adjectifs : čiji et koji comme les définis, kakav et kolik comme les indéfinis. En guise d’exemple, la déclinaison de koji :

CasSingulierPluriel
MasculinNeutreFémininMasculinNeutreFéminin
N.kòjīkòjēkòjākòjīkòjākòjē
G.kòjēga, kòjēg, kȏgakòjēkòjīh
D.kòjēmu, kòjēm, kȏmu, kȏme, kȏmkòjōjkòjima, kòjīm
A.kòjī (inanimé), kòjēga, kòjēg (animé)kòjēkòjūkòjēkòjākòjē
I.kòjīmkòjōmkòjima, kòjīm
L.kòjēmu, kòjēm, kȏme, kȏmkòjōjkòjima, kòjīm

Les formes réduites de datif/locatif de ce pronom (kȏmu, kȏme, kȏm) ne diffèrent que par la nature de leur accent de celles du pronom tko aux mêmes cas : kòmu, kòme, kȍm.


Les pronoms-adjectifs possessifs

Ces mots s’utilisent aussi bien comme pronoms possessifs, que comme adjectifs possessifs, sans changer de forme.


Les pronoms-adjectifs démonstratifs

Comme pour les possessifs, on emploie les mêmes formes en tant que pronoms démonstratifs et en tant qu’adjectifs démonstratifs. Ils expriment trois degrés d’éloignement, à peu près comme « ici », «  » et « là-bas » en français :


Indéfinis

La plupart des pronoms et adjectifs indéfinis sont formés à partir de pronoms ou adjectifs interrogatifs, en leur ajoutant certains éléments composants :

Exemples en phrase : Netko te pozdravio « Quelqu’un t’a salué(e) », Ništa nećeš doznati « Tu ne sauras rien », Bit ću sretan ako se nađe ikakav bolji izlaz iz ovoga položaja « Je serai heureux si on trouve une quelconque meilleure sortie de cette situation », Amo dolaze svakakvi ljudi « Ici il vient des gens de toutes sortes », Možda će se naći gdjekoji oštar nož « On trouvera peut-être un (quelconque) couteau aiguisé », Znam od svega ponešto « Je sais un peu de tout », Uvijek brbljaju koješta « Ils/Elles bavardent toujours de n’importe quoi », Donesi štogod da pojedemo « Aporte n’importe quoi à manger ».

Il existe aussi des locutions indéfinies formées de pronoms/adjectifs interrogatifs avec certaines particules écrites séparément, toutes ayant le sens « n’importe » :

Exemples en phrase : Nikad me neće prevariti makar kolik lažac bio « Il ne me trompera jamais, quelque grand menteur qu’il soit », Samo da naiđemo na budi kakvu vodu « Pourvu que nous trouvions n’importe quelle eau », Došao tko mu drago, moja su mu vrata otvorena « Qui que vienne, ma porte lui est ouverte », Daj mu to za bilo što ou Daj mu to za što bilo « Donne-lui ça contre n’importe quoi ».


Numéraux


Numéraux cardinaux

Les numéraux jedan « un », jedna « une », jedno (neutre), dva « deux », dvije « deux » (féminin), tri « trois » et četiri « quatre » se déclinent, y compris quand ils désignent le dernier chiffre d’un nombre.

Les mots correspondant aux nombres de 11 à 19 étaient à l’origine des syntagmes, par exemple jedьnъ na desęte (littéralement « un sur dix ») > jedanaest « onze ».

Les mots correspondant aux dizaines supérieures à 10 sont des mots composés, par exemple dva « deux » + deset « dix » > dvadeset « vingt ». Pour certains, le premier composant a subi des changements phonétique, par exemple šest « six » + deset > šezdeset « soixante ».

Les mots correspondant aux centaines ont une variante mot composé avec sto « cent » et une autre en deux mots, avec le nom féminin stotina dérivé de sto : dvjesto ou dvije stotine 200, tristo ou tri stotine 300, četiristo ou četiri stotine 400.

1 000 est dénommé par deux synonymes : le mot slave tisuća et l’emprunt du grec hiljada. Les deux sont des noms féminins se déclinant en tant que tels, de même que milijarda « milliard », alors que milijun « million » est un nom masculin.


Constructions nombre cardinal + (épithète +) nom

Les adjectifs numéraux correspondant à 1, 2, 3 et 4 se déclinent et se construisent avec le nom qu’ils déterminent (qui peut aussi avoir une épithète) comme suit.

Les numéraux de forme substantivale ne s’accordent pas avec le nom qui leur est associé. Celui-ci est toujours au génitif pluriel : Donio mi je stotinu poklona « Il m’a apporté cent cadeaux », Sin mu je nestao s tisućama drugih mladića « Son fils a disparu avec mille autres jeunes ».

Pet « cinq », šest « six », sedam « sept », osam « huit » et devet « neuf », y compris en tant que dernier chiffre d’un nombre, et les mots dénommant les dizaines, sont invariables et le nom les suivant se met au génitif pluriel : Već deset dana puše jak vjetar « Un vent fort souffle déjà depuis dix jours », Imala je petnaest bijelih kokošiju « Elle avait quinze poules blanches ».


Numéraux ordinaux

Ces numéraux ont les désinences des adjectifs à forme longue, ajoutées aux cardinaux. Dans peti « cinquième », šesti « sixième », de deveti « neuvième » à dvadeseti « vingtième » et dans les autres numéraux ordinaux correspondant aux dizaines (trideseti « trentième », etc.), le mot de base ne subit pas de changements. Dans le cas de sedmi « septième » (< sedam), osmi « huitième » (< osam), stoti « centième » (< sto), tisući « millième » (< tisuća) = hiljaditi (< hiljada), milijunti « millionième » (< milijun) et milijardni « milliardième » (< milijarda), il se produit de petits changements (chute de a, t de liaison, etc.) Dans treći « troisième » (< tri) et četvrti « quatrième » (<četiri) il y a des changements plus importants, et les correspondants ordinaux de jedan et dva sont des mots à radical différent de celui des cardinaux : prvi « premier » et drugi « deuxième » respectivement. En tant que dernier chiffre d’un nombre on utilise les mêmes formes que pour les chiffres seuls : dvadeset prvi « vingt et unième », trideset drugi « trente-deuxième ».


Nombres collectifs

Ce sont dvoje « deux », troje « trois », četvero ou četvoro « quatre », petero ou petoro « cinq », etc. À partir des autres noms de chiffres, les nombres collectifs se forment comme petero/petoro, avec le suffixe -ero ou -oro. Ces mots sont employés, par exemple, pour désigner deux ou plusieurs personnes de sexes ou d’âges différents : stol za dvoje « une table pour deux » (un homme et une femme), Kako ih je sedmero sjedjelo oko vatre, [...] « Comme il y en avait sept assis autour du feu, [...] ».


Substantifs numéraux

Ces substantifs se forment à partir des nombres collectifs, avec le suffixe -ica (dvojica, trojica, četvorica). Ils ont également un caractère collectif mais ne s’emploient que pour les êtres de sexe masculin, mis au génitif pluriel : tròjica dječákā « trois garçons ».


Les noms des chiffres

Chaque chiffre a un nom du genre féminin : jedinica, dvica, trica, četvrtica, petica, etc. Exemple : praviti osmice « faire des huit » (avec les patins, sur glace)[51].


Le verbe


Aspects des verbes

Comme dans les autres langues slaves, les verbes croates se caractérisent entre autres par la catégorie de l’aspect, qui exprime principalement le degré de réalisation de l’action d’un verbe.

Le présent proprement dit n’est exprimé que par les verbes imperfectifs, dans des propositions indépendantes ou principales. Le présent des verbes perfectifs est utilisé seulement dans des propositions subordonnées, exprimant une action future : Kad odspavam, bit će bolje « Quand j’aurai dormi, ça ira mieux ».

Contrairement au français, mais semblablement aux autres langues slaves, le croate a des aspects perfectif et imperfectif morphologiquement marqués (ce ne sont donc pas des aspects sémantiques mais des aspects grammaticaux). Alors qu’en français ce type d’aspect est déterminé par le sens seul du verbe, en croate il est indiqué par des affixes[52].

La plupart des verbes forment des couples perfectif–imperfectif ayant le même sens lexical, par exemple pisati–napisati « écrire ». Il y a quelques procédés pour former des verbes d’un aspect à partir de verbes de l’autre aspect :


Conjugaison

Les verbes croates sont répartis en six classes de conjugaison régulières, d’après le son final du radical du verbe à l’infinitif, et une septième classe comprenant des verbes irréguliers. Trois de ces classes comprennent également des sous-classes : la première – sept sous-classes, la troisième – deux, la cinquième – quatre.

Exemple de verbe régulier de la 1re conjugaison, 2e sous-classe, aux modes et aux temps les plus utilisés :

ModeTempsForme
Infinitiftresti « secouer »
Indicatifprésenttresem « je secoue »
tres
trese
tresemo
tresete
tresu
passétresao / tresla / treslo sam « j’ai secoué »
tresao / tresla / treslo si
tresao / tresla / treslo je
tresli / tresle / tresla smo
tresli / tresle / tresla ste
tresli / tresle / tresla su
futur Itrest ću « je secouerai »
trest ćeš
trest će
trest ćemo
trest ćete
trest će
Conditionnel présenttresao, tresla, treslo bih « je secouerais / j’aurais secoué »
tresao / tresla / treslo bi
tresao / tresla / treslo bi
tresli / tresle / tresla bismo
tresli / tresle / tresla biste
tresli / tresle / tresla bi
Impératiftresi! « secoue ! »
(neka) trese! « qu’il/elle secoue ! »
tresimo!
tresite!
(neka) tresu!
Gérondifprésenttresući « en secouant »
passétresavši
Participe actiftresao, tresla, treslo, tresli, tresle, tresla
Participe passiftresen, tresena, treseno, treseni, tresene, tresena « secoué, -e, -s, -es »

Remarques :

  1. Les verbes irréguliers sont nombreux, ainsi que les changements phonétiques provoqués par les suffixes et les désinences.
  2. L’auxiliaire du passé composé est la forme de l’indicatif présent du verbe biti « être » qui a des formes atones aussi, celles du tableau ci-dessus. Pour une plus forte mise en évidence de la personne et dans les questions, on utilise ses formes toniques : Mi jesmo sve završili « Nous avons tout fini », Jeste li čuli? « Avez-vous entendu ? ».
  3. Aux temps composés (passé composé et conditionnel), le participe actif s’accorde en genre et en nombre avec le sujet.
  4. La personne du verbe est incluse dans la forme de celui-ci, étant exprimée par la désinence, c’est pourquoi le sujet peut ne pas être exprimé par un nom ou un pronom.
  5. Le futur se forme généralement de l’infinitif du verbe sans -i + la forme brève du verbe htjeti « vouloir » au présent (Pjevat ćeš « Tu chanteras »), mais en présence du pronom personnel sujet, l’auxiliaire se place avant le verbe, qui prend dans cette situation la forme complète de l’infinitif : Ti ćeš pjevati « Toi, tu chanteras ».
  6. Le subjonctif présent français a pour correspondant l’indicatif présent croate en phrase impérative à la 3e personne (Neka mi piše! « Qu’il/elle m’écrive ! ») et en proposition subordonnée : Ne bi to smio biti razlog da se počnemo svađati « Cela ne devrait pas être une raison pour que nous commencions à nous disputer ».

Formes moins utilisées :


L’adverbe

Comme en français, il y a des adverbes primaires, tels sad(a) « maintenant » et tamo « là-bas », mais la plupart des adverbes proviennent d’autres classes grammaticales, surtout d’adjectifs :

On forme également des adverbes à partir de :

À côté de mots simples (les exemples ci-dessus), il y a aussi des adverbes formés par composition :

Les adverbes de manière, de quantité et certains adverbes de temps et de lieu ont des degrés de comparaison. Le comparatif de supériorité a la forme des adjectifs correspondants au nominatif neutre singulier et le superlatif relatif de supériorité se forme avec le même préfixe. Exemple : brzo « rapidement » > brže « plus rapidement » > najbže « le plus rapidement ». Quelques adverbes ont des formes supplétives de comparatif de supériorité : mnogo « beaucoup » – više « plus », malo « peu » – manje « moins », loše = zlo « mal » – gore « plus mal, pis ».


Adverbes interrogatifs

Les questions portant sur les divers compléments circonstanciels commencent par les adverbes suivants : kad(a)? « quand  ? », gdje? «  ? », kamo? « vers où  ? », kud(a)? « par où  ? », odakle? « d’où ? », kako? « comment  ? », koliko? « combien  ? », zašto? « pourquoi  ? » (cause), « pour quoi  ? » (but).


Adverbes indéfinis

À partir des adverbes interrogatifs on forme des adverbes indéfinis avec les mêmes éléments qui servent à former des pronoms indéfinis :

On forme aussi des locutions adverbiales indéfinies avec des particules ayant le sens « n’importe », celles qui forment des locutions pronominales indéfinies : ma kad(a) = bilo kad(a) « n’importe quand », ma kako = bilo kako « n’importe comment », ma gdje = bilo gdje « n’importe où », ma kuda = bilo kuda « par n’importe où ».


Prépositions

Formant des compléments avec des noms ou des pronoms, la plupart des prépositions régissent un seul cas :

D’autres prépositions régissent deux cas, voire trois, en fonction de leur sens ou de la nature du verbe régent :

PrépositionCasConditions d’emploiExemple
međuaccusatifavec des verbes exprimant le déplacement vers un lieuUmješao se među ljude « Il s’est mêlé aux gens »
instrumentalavec des verbes n’exprimant pas le déplacement vers un lieuŠetao je među drvećem « Il se promenait parmi les arbres »
naaccusatifavec des verbes exprimant le déplacement vers un lieuGolub je sletio na krov « Le pigeon a volé sur le toit »
locatifavec des verbes n’exprimant pas le déplacement vers un lieuGolub je na krovu « Le pigeon est sur le toit »
nad(a)accusatifavec des verbes exprimant le déplacement vers un lieuNad njega su se spustile zelene grane « Des branches vertes sont descendues au-dessus de lui »
instrumentalavec des verbes n’exprimant pas le déplacement vers un lieuNad selom su se crnjeli kišni oblaci « Des nuages de pluie noircissaient au-dessus du village »
oaccusatifavec des verbes exprimant le déplacement vers un lieuNe udaraj glavom o zid « Ne te frappe pas la tête contre le mur »
locatifavec des verbes n’exprimant pas le déplacement vers un lieuTorba visi o klinu « La musette pend à un / au clou »
pod(a)accusatifavec des verbes exprimant le déplacement vers un lieuSjeo je pod lipu « Il s’est assis sous un/le tilleul »
instrumentalavec des verbes n’exprimant pas le déplacement vers un lieuOdmarao se pod lipom « Il se reposait sous un/le tilleul »
pred(a)accusatifavec des verbes exprimant le déplacement vers un lieuDječak je stavio pred sebe malu stolicu « Le garçon a mis une petite table devant lui »
instrumentalavec des verbes n’exprimant pas le déplacement vers un lieu[...] što se događa pred njegovim očima « [...] ce qui se passe devant ses yeux »
s(a)génitifexpression de la surface de provenanceCrijep je pao s krova « La tuile est tombée du toit »
instrumentalexpression du complément d’accompagnement animéSusreo sam se s njim « Je l’ai rencontré » (littéralement « Je me suis rencontré avec lui »)
ugénitifexpression de la possessionU Milice duge trepavice « Milica a de longs cils »
accusatifavec des verbes exprimant le déplacement vers un lieuIdemo u šumu « Nous allons au bois / dans la forêt »
locatifavec des verbes n’exprimant pas le déplacement vers un lieuU šumi se čuje cvrkut ptica « Dans le bois / la forêt on entend le gazouillis des oiseaux »
zagénitifexpression d’une période de tempsZa moje mladosti život je bio mirniji « Dans ma jeunesse, la vie était plus paisible »
accusatifavec des verbes exprimant le déplacement vers un lieuMjesec se sakrio za oblake « La lune s’est cachée derrière les nuages »
instrumentalavec des verbes n’exprimant pas le déplacement vers un lieuZa kućom je bio lijep voćnjak « Derrière la maison il y avait un beau verger »

Remarque : Dans le cas de certaines prépositions, il y a alternance -a ~ ∅. La voyelle a est ajoutée à la préposition pour rendre la prononciation plus facile lorsque le mot suivant commence par la même consonne que la dernière consonne de la préposition, par une consonne du même type ou par un groupe de consonnes : s njim « avec lui », mais sa šalom « avec/par une plaisanterie », sa mnom « avec moi ».


Particules et modalisateurs

La particule et le modalisateur[53] sont considérés comme une partie du discours à part dans les grammaires du croate. Ils sont définis comme des mots invariables indiquant l’attitude du locuteur à l’égard du contenu de l’énoncé. Beaucoup de ces mots ont pour équivalents français des adverbes ou des locutions adverbiales.

Particules interrogatives

Particules intensifiantes :

Pokloni mu bar neku sitnicu « Fais-lui cadeau d’une bricole au moins » ;
Tko god dođe, bit će svečano primljen « Qui que vienne, il/elle sera reçu(e) solennellement » ;
I on je došao « Lui aussi est venu » ;
Iako su radili cijeli dan, ipak nisu stigli završiti posao « Bien qu’ils aient travaillé toute la journée, ils n’ont quand même pas réussi à finir le travail » ;
Ma kako odlučila, ja sam uz tebe « Quoi que tu décides, je suis à tes côtés » ;
Makar jednom budi sretan « Sois heureux au moins une fois » ;
Nisu vjerovali ni njemu! « Même lui, ils ne l’ont pas cru ! » ;
Pa naravno! « Mais naturellement ! » ;
Samo da znaš što se dogodilo! « Si tu savais ce qui est arrivé ! » ;
Samo ti pričaj! « Cause toujours ! » ;
On je također sudjelovao « Lui aussi a collaboré ».

Particules de degré

Ces particules expriment le degré d’une qualification : gotovo « presque » ; jedva « à peine » ; još « encore » ; malo « un peu » ; mnogo « (de) beaucoup » ; naročito « notamment, surtout » ; osobito « particulièrement » ; posve « tout à fait, absolument » ; potpuno « complètement, entièrement » ; previše « trop » ; prilično « considérablement » ; sasvim « tout à fait » ; skoro « presque » ; veoma « très » ; vrlo « très ». Exemples en phrase : Ona je mnogo veća « Elle est beaucoup plus grande », Bio je vrlo malen « Il était très petit ».

Particules incitatives

Particules affirmatives et négatives :

Da, doći ćemo « Oui, nous viendrons » ;
Jest, javio mi je vijest « Oui, il m’a annoncé la nouvelle » ;
Ne, nije došao « Non, il n’est pas venu » ;
Ne pitaj me to! « Ne me le demande pas! »

Particules présentatives

Modalisateurs[55] :

Pas je doista vrlo sličan vuku « Le chien est vraiment très semblable au loup » ;
To je sigurno najbolje rješenje « C’est sûrement la meilleure solution » ;
On to, naravno, nije ni mogao znati « Naturellement, il ne pouvait même pas le savoir » ;
Njihove su riječi, dakako, mnogo pomogle da se stvar razjasni « Bien sûr, ses paroles ont beaucoup aidé à ce que la chose soit éclaircie » ;
To se, vjerojatno, nikad neće saznati « Cela, on ne le saura probablement jamais » ;
Danas će, možda, padati kiša « Peut-être qu’aujourd’hui il va pleuvoir » ;
Istina, on o svemu tome nije imao ni pojma « La vérité, c’est qu’il n’avait même pas idée de tout cela ».

Syntaxe


Cette section traite des principales caractéristiques de la syntaxe du croate[56] par rapport à celle du français, concernant les types de phrases simples, les fonctions syntaxiques dans la phrase simple, l’ordre des mots dans celle-ci et quelques propositions subordonnées.


La phrase simple


La phrase négative

C’est la particule négative ne placée devant le verbe qui nie celui-ci : Ja na pitanja ne odgovaram « Moi, je ne réponds pas aux questions ». Ne se combine avec certains verbes, inchangée avec imati et htjeti, qui perdent leur première syllabe : imam « j’ai » → nemam « je n’ai pas », hoću « je veux » → neću « je ne veux pas ». Combinée avec les formes de l’indicatif présent du verbe biti, ne prend la forme ni- : (je)si « tu es » → nisi « tu n’es pas ».

L’impératif négatif se forme de deux façons :

Nemoj peut remplacer tout verbe à l’impératif négatif, qui, dans ce cas, est déduisible du contexte : Nemojmo, braćo! « Ne le faisons pas, mes frères ! »

Le correspondant du français « ni » est la particule ni corrélée avec un autre / d’autres mots négatif(s) ou avec elle-même : Nigdje se dosada takvo šta nije vidjelo ni čulo! « Nulle part jusqu’à présent on n’a vu ni entendu quelque chose de pareil ! », Zatvorenik ne može birati ni goste ni prijatelje « Le prisonnier ne peut choisir ni ses hôtes ni ses amis ». « Ni » est exprimé par i devant ne : Ali njih nitko i ne gleda « Eux, personne ne les regarde même pas ! ». La particule ni sert de premier élément composant dans la formation de pronoms et d’adverbes indéfinis : Nitko ništa nije krio « Personne ne cachait rien », I nigdje nema nikoga « Et il n’y a personne nulle part ». Les prépositions séparent la particule ni du pronom ou de l’adverbe : Ne možeš me zamijeniti ni sa čim « Tu ne peux m’échanger contre rien ».


La phrase interrogative

L’interrogation totale peut être exprimée par la seule intonation interrogative, mais aussi à l’aide de particules interrogatives. Exemples :

Ima li tu blizu kakva prazna cisterna? « Y a-t-il une citerne vide par ici ? » ;
Da li vi to shvaćate? « Comprenez-vous cela ? »[57] ;
Je li se ujutro umivaš? « Tu te laves le matin ? » ;
Da niste vi danas nešto slavili? « N’avez-vous pas fêté quelque chose aujourd’hui, par hasard ? » ;
Zar misliš da je desetak godina vrijeme u kojem se može sve zaboraviti? « Penses-tu vraiment qu’une dizaine d’années suffisent pour qu’on puisse tout oublier ? ».

Dans de telles phrases on peut utiliser certains pronoms indéfinis formés avec i-, qui implique le sens « au moins, du moins » : Je li išta pojeo?, équivalent de Je li makar nešto pojeo? « A-t-il mangé au moins quelque chose ? », Je li te itko čuo?, équivalent de Je li te makar netko čuo? « Au moins quelqu’un t’a-t-il entendu ? »

L’interrogation partielle est construite avec des pronoms et adverbes interrogatifs correspondant aux termes sur lesquels portent les questions (voir plus haut Pronoms et adjectifs interrogatifs et Adverbes interrogatifs).


La phrase exclamative

Ce type de phrase également peut être réalisé non seulement par l’intonation, mais aussi à l’aide de la particule li utilisée principalement pour l’interrogation (Lijepa li si! « Comme tu es belle ! ») ou d’une particule spécifique, ta : Ta nismo više djeca! « On n’est quand même plus des enfants ! »


La phrase impérative

En général, ce type de phrase exprime l’ordre ou l’interdiction, avec le verbe à l’impératif : Pogledaj mi ruke! « Regarde mes mains ! », Nemojte se ljutiti na njih! « Ne vous fâchez pas contre eux ! »

Il y a aussi des constructions avec le verbe à d’autres formes :

Un autre type de phrase impérative exprime un vœu ou un souhait :


Fonctions syntaxiques

Le sujet grammatical est au nominatif s’il est exprimé par un nom ou un pronom. Vu qu’en croate les personnes se distinguent très bien grâce aux désinences verbales, il n’est pas nécessaire que le sujet soit toujours exprimé par un mot à part. On l’exprime par un pronom personnel si seulement on veut le mettre en évidence. Exemples : Odlazim « Je m’en vais » (sujet exprimé par la désinence), Slično sam mislio i ja « Je pensais la même chose » (sujet exprimé par un pronom personnel aussi).

Avec les verbes biti et imati au sens « exister »[59] employés impersonnellement ou avec la particule présentative evo utilisée en tant que verbe, il y a un sujet logique, qui peut être à d’autres cas que le nominatif :

Dans le cas d’un verbe copule + attribut, si celui-ci appartient à une classe grammaticale nominale, il peut être non seulement au nominatif (ex. Ja jesam vještac « Je suis vraiment un sorcier »), mais aussi à un autre cas. Avec la copule biti, il peut être :

Avec d’autres copules, par exemple postati « devenir », l’attribut peut être au cas instrumental sans préposition : Zidovi su postajali sve tamnijima « Les murs devenaient de plus en plus sombres ».

Le sujet et le verbe s’accordent entre eux en nombre, en personne et, aux formes verbales où on utilise le participe actif, en genre également : Gazdarica je ustala « La maîtresse de maison s’est levée ». Par contre, il n’y a pas d’accord avec la copule biti ni avec l’attribut dans la construction présentative avec un pronom démonstratif sujet, qui reste invariable, au neutre nominatif singulier : Ovo je moj drug « C’est mon camarade », No, to bi bila lijepa parada! « Alors là, ce serait une belle parade ! ».

Le complément d’objet direct est en général à l’accusatif (Htio sam razveseliti tetku « J’ai voulu rendre ma tante plus gaie »), mais il est au génitif appelé « partitif » quand il correspond à un complément français avec article partitif ou avec « de » remplaçant celui-ci : Čovjek ima snage onoliko koliko mora imati snage da bi izdržao do svojega kraja. « L’homme a de la force, autant de force qu’il doit avoir pour résister jusqu’à sa fin ».

Le complément d’objet indirect peut être à divers cas, sauf le nominatif et le vocatif, en fonction du verbe régent :

Quant au complément circonstanciel de lieu exprimé par un nom ou un pronom, il est à mentionner l’utilisation des cas accusatif et locatif. Le premier est employé avec des verbes qui expriment le déplacement vers un lieu, le second avec des verbes qui n’expriment pas le déplacement en général ou expriment un déplacement qui ne s’effectue pas vers un lieu (voir plus haut Prépositions).

Les adjectifs qui peuvent avoir un complément ont également leur régime. Par exemple krcat « chargé, tout plein » demande l’instrumental sans préposition (krcat košarama « chargé de panniers »), željan « désireux » – le génitif sans préposition (Dečko bio željan svijeta « L’enfant désirait voir du/le monde »), umoran « fatigué » – le génitif avec la préposition od, etc. Le génitif avec od peut aussi être utilisé après les adjectifs au degré comparatif : Kamen je tvrđi od zemlje « La pierre est plus dure que la terre ».

Le complément du nom peut être au génitif sans préposition (ugao ulice « le coin de la rue », čaša vina « un verre de vin », čovjek dobre naravi « un homme de bon caractère »), au génitif avec préposition (kutija od šibica « boîte d’allumettes ») ou à un autre cas avec préposition : žena s madežom « la femme au grain de beauté » (instrumental).


L’ordre des mots

L’ordre des mots dépend du rôle sémantique, de thème ou de rhème, attribué à l’une ou l’autre des parties de la phrase et/ou de l’intention du locuteur d’en mettre en relief une partie ou une autre[60].


Ordre des mots sans mise en relief

Bien qu’en croate l’ordre des mots soit assez libre, il reste une langue SVO, c’est-à-dire l’ordre des mots y est sujet + verbe + objet si les conditions suivantes sont remplies :

  1. Le sujet et le complément sont connus des interlocuteurs, la question des rôles de thème et de rhème ne se posant pas.
  2. La phrase est déclarative affirmative.
  3. Le sujet est exprimé par un mot à part.
  4. Le verbe est constitué d’un seul mot.
  5. Dans la phrase il y a un seul complément d’objet.
  6. La phrase est neutre, c’est-à-dire qu’aucune de ses parties n’est mise en relief.
  7. Du point de vue prosodique, les trois termes sont accentués.

Exemple : Narod glasa za republiku « Le peuple vote pour la république ».

L’ordre est le même si, les conditions 2 à 7 restant remplies, par exemple la phrase ci-dessus répond à la question « Que fait le peuple ? », c’est-à-dire dans la réponse, le sujet est thème et le verbe + le complément rhème. En général, le thème précède le rhème.

Dans d’autres situations, l’ordre peut être différent.

Si le sujet est rhème, il se place après le verbe : Za republiku glasa narod « C’est le peuple qui vote pour la république ».

Si on attribue le rôle de thème au complément, il est placé en tête de phrase : Slavko vidi Olgu. Olgu vidimo i mi « Slavko voit Olga. Olga, nous la voyons nous aussi.

Si le verbe est de la catégorie des verbes dits « existentiels », l’ordre est verbe + sujet : Pojavilo se sunce « Le soleil est apparu ».

Si la fonction de verbe est remplie par une particule, elle aussi prend la première place : Evo romana mog kreveta (sujet logique au génitif) « Voici le roman de mon lit ».

Si le verbe exprime l’existence ou la disponibilité du sujet et que le complément est circonstanciel de lieu ou de temps, celui-ci se place avant le verbe, et le sujet après le verbe : Na stolu leži knjiga « Sur la table il y a (littéralement ”est couché”) un livre », U frižideru ima šunke (sujet logique au génitif) « Dans le réfrigérateur il y a du jambon ».

Si dans la phrase il y a deux compléments, les deux se placent après le verbe : Perušina pruži materi ruku « Perušina tend la main à sa mère ».

Si dans la phrase il y a un ou deux complément(s) circonstanciel(s) exprimés par un/des adverbe(s), il(s) se place(nt) :

D’autres termes de la phrase sont en général le plus près de leur mot régent.

L’épithète est placée avant le mot qu’il détermine : Lišće pada u otvoren bunar « Les feuilles tombent dans le puits ouvert ».

Si un mot a plusieurs épithètes, toutes sont placées avant le mot déterminé, celles ayant un sens plus large précédant celles qui ont un sens plus restreint : Spomenuo bih još neka terminološka rješenja, dijelom preuzeta iz prethodne hrvatske gramatičarske tradicije « Je voudrais encore rappeler quelques solutions terminologiques, en partie reprises à la tradition grammaticale croate antérieure ».

Lorsqu’un adjectif pronominal et un adjectif proprement-dit déterminent un même mot, le premier précède le second : Pokupit će tvoje bijelo platno « Il/Elle achètera ta toile blanche ».

Les adverbes en fonction de complément d’un adjectif sont placés avant ce dernier : Ljudi su ga upotrebljavali u sasvim druge svrhe « Les gens l’utilisaient dans de tout autres buts ».

Le complément du nom exprimé par un autre nom ou par un adverbe est placé après le mot déterminé : Tišina nad Aljmašem ogromna je « Le silence au-dessus de l’Aljmaš est immense », Vratio sam se na poziv odavde « Je suis revenu à un appel d’ici ».


Ordre des mots avec mise en relief

Tout terme de la phrase peut être mis en relief par son accentuation plus forte et son placement à une position autre que celle qu’il occupe lorsqu’il n’est pas mis en relief :


Place des clitiques

Les enclitiques se placent juste après le premier mot accentué de la phrase : Mi te ništa ne pitamo « Nous ne te demandons rien », Vratio sam se u sobu « Je suis revenu dans la chambre », Jeste li dobro putovali? « Avez-vous bien voyagé ? ». Ils peuvent aussi être placés après des conjonctions reliant des propositions ou après d’autres mots qui introduisent des subordonnées, même atones, sauf i et a (les deux ayant le sens « et ») : Neki su kolege već dobili upalu ... pa su ih operirali « Certains collègues ont déjà fait des inflammations et on les a opérés », Kako ste saznali da ću biti u Zagrebu? « Comment avez-vous appris que je serais à Zagreb ? », Nikada nisam znao gdje sam « Je n’ai jamais su où j’étais ».

Lorsqu’il y a plusieurs enclitiques différents qui se suivent, leur ordre est le suivant :

Quand il y a deux pronoms personnels atones qui se suivent, y compris le pronom réfléchi :

Les proclitiques se placent comme suit :


Propositions subordonnées

Ci-après, quelques constructions croates de proposition subordonnée différentes de celles du français.

La phrase à proposition finale peut se construire de plusieurs façons :

La proposition consécutive peut avoir le verbe à l’indicatif présent (Škola je tako dosadna da svi jedva čekamo svježi zrak, slobodu « L’école est tellement ennuyeuse, que nous attendons tous avec impatience l’air frais, la liberté ») ou au conditionnel présent : Nisam ratnik da bih vjerovao u pobjedu « Je ne suis pas un guerrier pour croire à la victoire ».

La proposition conditionnelle peut se construire comme suit :


Transformation infinitive

Dans le registre de langue soutenu, il est habituel d’exprimer le procès subordonnée avec le verbe à l’infinitif toutes les fois que cela est possible, généralement lorsque son sujet est le même que celui de son verbe régent[63], et que celui-ci exprime[64] :

C’est par l’infinitif également qu’on exprime le procès subordonnée à sujet indéfini, lorsque le verbe régent est impersonnel et qu’il exprime l’obligation. C’est ainsi qu’on exprime une obligation générale[65] : Prije svanuća treba sakriti pušku « Il faut cacher le fusil avant l’aube », Valja spasavati obraz grada « Il convient de sauver la face/l’honneur de la ville ».


Lexique



Mots hérités du proto-slave


En croate il y a des mots slaves anciens dans les domaines les plus variés : svjet « monde », drvo « arbre, bois », jelen « cerf », čovjek « homme, être humain », glava « tête », mali « petit », mjesto « place », brijati « raser », lov « chasse », pepeo « cendre », orati « labourer », krava « vache », tkati « tisser », stol « table », prag « seuil », trgovati « faire du commerce », put « chemin », boj « combat », otac « père », misao « pensée », plesati « danser », crkva « église », etc[66].


Mots des dialectes


Le croate standard étant basé sur le dialecte chtokavien, la plupart des mots proviennent de celui-ci mais il inclut des mots des autres dialectes aussi, tels kukac « insecte », du kaïkavien, ou spužva « éponge » du tchakavien[67].


Formation de mots



Dérivation

Comme en français, la dérivation, c’est-à-dire l’ajout d’un suffixe ou/et d’un préfixe, parfois l’enlèvement d’un suffixe, est en croate un moyen important de formation de mots. On obtient ainsi des membres nouveaux appartenant à la même famille lexicale que le mot de base.


Suffixation

Le moyen le plus fréquent de dérivation est l’ajout ou le remplacement d’un suffixe, qui fournit[68] :

Voici un exemple de famille lexicale formée par suffixation. À partir du nom drvo « arbre, bois », on obtient de cette façon six mots, dont trois formés à partir de mots déjà suffixés[69] :

drvce « petit arbre »
drven « en bois » > drvenjara « maison en bois »
drvar « bûcher » et/ou « vendeur de bois » :
> drvarica « femme qui coupe ou ramasse du bois »
> drvarnica « resserre à bois »

Dérivation régressive

Le croate se caractérise entre autres par la formation de noms à partir de verbes, par dérivation régressive, c’est-à-dire par la suppression de leur suffixe d’infinitif. Exemple : napadati « attaquer » > napad « attaque »[70].


Préfixation

La préfixation[71] est moins productive que la suffixation mais c’est toutefois un procédé important de formation de mots.

Dans le cas du verbe, la préfixation peut être un procédé :

Dans le cas des mots d’autres classes grammaticales, la préfixation est uniquement lexicale, y compris dans le sens qu’elle ne fait pas passer le mot dans une autre classe grammaticale.

La plupart des préfixes sont des prépositons à l’origine et ils ont des variantes phonétiques déterminées par le son initial du mot préfixé. Par ajout de préfixe, on peut obtenir :


Dérivation parasynthétique

Par dérivation parasynthétique, on forme des mots par préfixation et suffixation simultanées. Exemples[72] :


Composition

En croate, le procédé de composition est beaucoup plus productif qu’en français[73]. On peut l’appliquer :

Les éléments du mot composé peuvent être :

À côté de ces mots composés, ayant un seul accent, il y en a aussi d’autres, moins soudés, leurs composants gardant leur accent. Ils s’écrivent avec un trait d’union : spȍmēn-plȍča « plaque commémorative », drùštveno-polìtičkī « socio-politique ».


Composition + dérivation

Par ce procédé on forme des mots composés et suffixés simultanément[74]. Le suffixe mis à part, ils peuvent avoir pour base :

De la catégorie des mots formés de cette façon font partie également des mots composés + suffixe zéro, c’est-à-dire dont le second élément est un radical. Exemples :


Calques


En croate, les calques sont surtout des traductions littérales de mots composés étrangers, suivant les règles de la composition spécifiques au croate[75]. Ainsi, le mot pravopis mentionné plus haut est-il en fait un calque de l’allemand Rechtschreibung et du français orthographe. Autres exemples : vodopad (< voda « eau » + le radical du verbe padati « tomber », cf. allemand Wasserfall) « cascade, chute d’eau » ; kolodvor (< kolo « roue » + dvor « cour », cf. allemand Bahnhoff) « gare » ; kamenotisak (< kamen « pierre » + tisak « imprimerie », cf. allemand Steindruck) « lithographie » ; neboder (< nebo « ciel » + derati « égratigner », cf. anglais skyscraper) « gratte-ciel ». Un exemple de calque qui n’est pas un mot composé mais suffixé, est tvrtka (< tvrd « dur, ferme » + le suffixe -ka, cf. italien firma) « compagnie, société commerciale ».

Parfois le calque n’est que sémantique, c’est-à-dire on donne à un mot déjà existant dans la langue un sens calqué sur un sens du correspondant étranger du mot. C’est le cas de miš « souris » en informatique, sur l’anglais mouse.


Emprunts


Comme toute langue, le croate aussi a enrichi son lexique par des emprunts à plusieurs langues[76].

Le lexique du croate fut influencé en premier lieu par les langues voisines, dont des langues romanes, auxquelles il a emprunté plus de mots que d’autres langues slaves du sud. Il conserve des mots du dalmate (aujourd’hui disparu), par exemple tunj « thon » et spužva « éponge ». L’italien a eu dès le Moyen Âge une influence plus importante sur le littoral et les îles de la Mer Adriatique, donnant au croate standard des mots tels barka « barque », balkon « balcon », boća « boule au jeu de quilles », influence qui a continué aux époques ultérieures par des mots comme banka « banque », valuta « devise » (terme financier), novela « nouvelle » (genre littéraire), kantautor « chanteur auteur-compositeur-interprète », etc. Plus de mots italiens encore sont présents dans les variétés régionales du littoral et des îles.

L’allemand a influencé d’abord le croate parlé sur le continent. Parmi les mots de cette origine on peut citer cigla « brique, tuile », krumpir « pomme de terre », logor « camp », šminka « maquillage ».

Dans la partie continentale de la Croatie ont pénétré des mots hongrois également, dont dans la langue standard baršun « velours », bunda « manteau de fourrure », gumb « bouton (de vêtement) », karika « anneau, maillon », kočija « voiture (à cheval) ».

Le voisinage avec l’Empire ottoman a causé l’entrée dans le croate de mots turcs aussi : boja « couleur », budala « idiot », bunar « puits », čarapa « bas » (vêtement), čelik « acier », džep « poche », jastuk « oreiller », kutija « boîte », majmun « singe », pamuk « coton », rakija « eau-de-vie », šećer « sucre ».

Vers la fin du XIXe siècle on a eu recours à des emprunts à d’autres langues slaves. Du russe on a pris, par exemple, bodar « vigoureux », dozvoliti « permettre », sujevjerje « superstition », točan « exact », vjerojatan « probable ». Au même siècle on a emprunté des mots au tchèque aussi, surtout dans la terminologie technique et scientifique, dont la langue actuelle a gardé entre autres dušik « azote », vodik « hydrogène », vlak « train ».

Les mots d’origine grecque sont principalement internationaux et ne sont pas venus directement de cette langue, mais il y en a aussi de ceux-ci, comme livada « pré ». Exemples de mots internationaux grecs à l’origine : amfora, bakterija, dinastija, filozofija, program, telefon, televizija.

Le cas des mots d’origine latine est semblable aux précédents. Les plus anciens viennent du latin d'église et sont d’origine grecque : anđeo « ange », bazilika, euharistija, evanđelje « évangile », katolik. Les plus récents sont internationaux : doktor, estimacija, formula, horor, humus, kontemplacija, memorija, etc.

Le français aussi a donné beaucoup de mots au croate, par exemple bife « buffet », bistro, grupa « groupe », meni « menu ».

En croate contemporain, la plupart des emprunts viennent de l’anglais : film, gol « but » (terme sportif), hardver « matériel » (en informatique), marketing, monitor (en informatique), menadžer « manager », tenk « tank », sendvič « sandwich », šou « spectacle », vikend « week-end ».

Parmi les emprunts on peut distinguer des catégories selon leur degré d’assimilation. Aussi y a-t-il :


L’attitude à l’égard des procédés d’enrichissement du lexique


Au cours de la formation du croate standard il y a eu des périodes où les emprunts entraient plus facilement dans la langue et d’autres où ils étaient acceptés plus difficilement, mais en général, dans la standardisation de la langue c’est le purisme anti-emprunts qui domine. Cette tendance est visible dès le XVIIe siècle et se maintient au XXIe[77]. Cela se manifeste par le fait que beaucoup de mots sont formés de façon consciente ou calqués par des intellectuels pour éviter les emprunts, et ils entrent dans le lexique standard. De tels mots sont les calques vodovod « réseau de distribution de l’eau » et pravopis « orthographe », mentionnés plus haut, dans les sections Composition et Calques. D’autres exemples de créations conscientes sont glazba « musique », tvornica « usine », učionica « salle de classe », časnik « officier », povijest « histoire » (la science humaine), knjižnica « bibliothèque », proračun « budget »[78]

Dans les périodes de rapprochement entre les standards du croate et du serbe, avant et après la Première Guerre mondiale, puis après la Seconde Guerre mondiale, sous l'influence du serbe dont le standard était plus perméable aux emprunts, ceux-ci ont été plus nombreux en croate aussi. À l’époque de l’État indépendant de Croatie, celui-ci a mis en œuvre une politique radicale de « purification » de la langue et de tels mots ont été remplacés par des mots croates, mais dans la Yougoslavie communiste on est revenu en croate aux mots empruntés. Exemples de tels mots[79] :

funkcionar ~ dužnosnik « fonctionnaire » ;
inventar ~ imovnik « inventaire » ;
propaganda ~ promidžba « propagande » ;
registar ~ upisnik « registre » ;
revers ~ primka « reçu, quittance » ;
telegraf ~ brzojav « télégraphe » ;
telegram ~ brzojavka « télégramme ».

Après la proclamation de la République de Croatie en 1991, le purisme linguistique s’est réaffirmé. La tendance est tout d’abord à remplacer les mots employés en serbe en général et ceux qui rappellent l’ancienne Yougoslavie en particulier, dont beaucoup d’emprunts communs en serbe et en croate, par des mots croates plus anciens, conservés dans le fonds passif et réactivés. Par exemple, parmi ceux cités plus haut, on utilise de nouveau dužnosnik et promidžba. D’autres exemples[80] :

armija ~ vojska « armée » ;
oficir ~ časnik « officier » ;
kasarna ~ vojarna « caserne » ;
ambasador ~ veleposlanik « ambassadeur » ;
fronta ~ bojište, bojišnica « front » (terme militaire) ;
sekretar(ica) ~ tajnik(tajnica) « secrétaire ».

Toutefois, de tels emprunts ne disparaissent pas complètement mais la synonymie avec leurs correspondants faiblit, leurs domaines d’utilisation se différenciant. Par exemple armija est encore utilisé pour les armées étrangères et vojska plutôt pour l’armée croate, ambasador tend à être employé pour des ambassadeurs étrangers ou au sens figuré, et veleposlanik pour les ambassadeurs de la Croatie. Sekretarica apparaît assez fréquemment dans le syntagme telefonska sekretarica « répondeur téléphonique », tajnica tendant à être utilisé pour la personne.

En général, le standard du croate tend à éviter les emprunts[81], mais le locuteur lambda ne se conforme pas automatiquement au standard. Par exemple, les emprunts à l’anglais sont courants dans le registre familier mais le sont beaucoup moins dans le registre soutenu[82]. À leur place on recommande systématiquement des mots croates formés. Exemples :

boks ~ šakanje (< šaka « poing ») ;
kompjutor, kompjuter ~ računalo (< računati « calculer ») ;
link ~ poveznica (< povezati « relier ensemble ») ;
hardver ~ sklopovlje (< sklop « ensemble d’éléments interconnectés ») ;
tenk ~ oklopnik (< oklop « armure »)[75].

Un autre phénomène à mentionner est l’utilisation en parallèle de paires emprunt – mot croate dans des textes de linguistique, par exemple. Aussi, dans Barić 1997, presque tous les termes linguistiques sont présents de cette façon. Exemples : akcent – naglasak, aspekt – vid, augmentativ – uvećanica, indikativ – izjavni način, ortografija – pravopis, prefiks – predmetak, prezent – sadašnje vrijeme.


L’attitude à l’égard des « serbismes »


Dans les périodes d’éloignement par rapport au serbe, comme celle d’après 1991, les tendances puristes se manifestent à l’égard de mots standard en serbe, soit autochtones, soit empruntés, utilisés par des locuteurs croates aussi mais que le standard croate n’accepte pas[83]. De tels mots sont bioskop – croate kino « cinéma », gas – cr. plin « gaz », izviniti se – cr. ispričati se « demander des excuses », lenjir – cr. ravnalo « règle » (à tracer des lignes), nauka – cr. znanost « science », učestvovati – cr. sudjelovati « collaborer », vaspitati – cr. odgojiti « éduquer », savremen – cr. suvremen « contemporain »[84]. Il n’y a pas d’accord total entre linguistes croates au sujet de ce qu’il faut considérer comme des serbismes. Par exemple, un mot comme gvožđe « fer » est un serbisme pour Anić 2006 et Ćirilov 1992, mais non pas pour Brodnjak 1992, ou ručak « déjeuner » est un serbisme pour Ćirilov, mais non pas pour Brodnjak[85].


Notes et références


  1. Ethnologue [hrv].
  2. Par exemple Kordić 2004, Greenberg 2004, Mørk 2008 (p. 295), Gröschel 2009 (p. 350), Šipka 2019 (p. 206).
  3. Par exemple Brozović 1998, Lončarić 2010, Mønnesland 1997 (p. 1103), Matasović 2001, (p. 123), Nuorluoto 2002.
  4. Voir le site Štokavski jezik
  5. Appellation mentionnée par Kordić 2009 pour la rejeter.
  6. Appellation adoptée par Thomas 2018, par exemple.
  7. Selon, par exemple, Kloss 1967 (p. 31), Kordić 2004 (p. 36), Mørk 2008 (p. 295), Bunčić 2008 (p. 89), Zanelli 2018 (p. 20-21).
  8. Voir au sujet de la discussion autour du statut de ces variétés et de leur dénomination, l’article Serbo-croate.
  9. Voir (sh) l’Accord de Vienne (1850) (consulté le 6 novembre 2019).
  10. Constitution de la Croatie, article 12 (consulté le 6 novembre 2019).
  11. Site de l’institut.
  12. (hr) CROSTAT, Stanovništvo prema materinskom jeziku (La population selon la langue maternelle) (consulté le 6 novembre 2019).
  13. (en) CIA, The World Factbook, page Bosnie-Herzégovine (consulté le 6 novembre 2019).
  14. (es) Diaspora croata (estimation) (consulté le 6 novembre 2019).
  15. (de) Statistisches Bundesamt Deutschland, Ausländische Bevölkerung nach Zensus und Ausländerzentralregister (AZR) (La population étrangère selon le recensement et le Registre central des étrangers), p. 3 (consulté le 6 novembre 2019).
  16. (en) Ethnologue, page Austria (consulté le 6 novembre 2019).
  17. (de) Statistik Austria, page Bevölkerung nach Staatsangehörigkeit und Geburtsland, tableau Bevölkerung zu Jahresbeginn 2002-2017 nach detailliertem Geburtsland (La population au début des années entre 2002 et 2017, selon le pays de naissance) (consulté le 6 novembre 2019).
  18. (hr) Hrvatski Informativni Centar, Hrvati izvan domovine (Croates en dehors de leur patrie) (consulté le 6 novembre 2019).
  19. (en) Australian Bureau of Statistics, Language Spoken at Home (Langues parlées à la maison) (consulté le 6 novembre 2019).
  20. (en) U. S. Census Bureau, page Detailed Languages Spoken at Home and Ability to Speak English for the Population 5 Years and Over: 2009-2013, tableau Detailed Languages Spoken at Home and Ability to Speak English for the Population 5 Years and Over for United States: 2009-2013 (Langues parlées à la maison et abilité à parler anglais dans la population âgée de 5 ans et plus aux États-Unis) (consulté le 6 novembre 2019).
  21. Statistique Canada, Langue maternelle détaillée (consulté le 6 novembre 2019).
  22. (en) Statistični urad Republike Slovenije, Population by ethnic affiliation (La population selon l’ethnie) (consulté le 6 novembre 2019).
  23. (sr) Republički Zavod za Statistiku, Вероисповест, матерњи језик и национална припадност (Religion, langue maternelle et appartenance ethnique) (consulté le 6 novembre 2019).
  24. (hu) Központi Statisztikai hivatal, 2011. ÉVI NÉPSZÁMLÁLÁS. 3. Országos adatok (Recensement de 2011, 3, Données pour le pays), p. 67. (consulté le 6 novembre 2019).
  25. (it) ISTAT, Stranieri residenti al 1° gennaio – Cittadinanza (Étrangers résidents le 1er janvier – Citoyenneté) (consulté le 6 novembre 2019).
  26. (en) Ethnologue, page Slavomolisano (estimation) (consulté le 6 novembre 2019).
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  36. (ro) Projet de développement institutionnel du Lycée bilingue roumano-croate de Carașova (consulté le 6 novembre 2019).
  37. Section d’après Corbett et Browne 2009, p. 333-334 et Browne et Alt 2004, p. 9-10.
  38. Cf. Barić 1997, p. 10-37, sauf les informations de sources indiquées à part. Voir aussi l’article Histoire de la Croatie.
  39. Le Goff 1999.
  40. Cf. nationalisme, mais aussi Grèce ottomane et philhellénisme pour un parallèle.
  41. Cox 2007.
  42. Leclerc 2015.
  43. Section d’après Barić 1997, p. 39-93.
  44. Transcription de Barić 1997, p. 54.
  45. Kordić 1997, p. 128.
  46. Kordić 1997, p. 128.
  47. Kordić 1997, p. 128.
  48. Cf. par exemple l’article bistro dans HJP.
  49. Baylin 2010, p. 7.
  50. Section d’après Barić 1997, p. 95-280, sauf les informations de sources indiquées à part.
  51. HJP, article osmica.
  52. Pour comparer avec le français, voir l’article Aspect. La différence notable entre les deux langues est non dans le traitement des aspects, mais dans la nature de leurs indices : indices contextuels pour le français, indices morphologiques (affixes) pour le croate. Pour comparer avec les langues slaves, voir Les aspects.
  53. Section d’après Silić 2005, p. 253-258, sauf les informations de sources indiquées à part.
  54. Opačić 2007.
  55. Cf. Barić 1997, p. 282.
  56. Section d’après Barić 1997, p. 391-579. Pour la plupart, les exemples cités proviennent d’œuvres littéraires.
  57. Étant donné qu’en serbe cette construction est fréquente (Browne et Alt 2004, p. 64), certains auteurs croates la considèrent comme un serbisme et, par conséquent, la rejettent, par exemple Hitrec 2011. On constate la même attitude dans des conseils langagiers, par exemple Rujnić-Sokele 2013 (p. 9).
  58. Avec cette valeur, appelé « mode optatif » par Barić 1997, p. 418.
  59. En tant que verbe personnel il signifie « avoir ».
  60. Section d’après Barić 1997, p. 583-599, et Browne et Alt 2004, p. 60-63.
  61. Construction fréquente en serbe (Browne et Alt 2004, p. 74), alors que le croate préfère celle avec l’infinitif à la place de da + verbe à l’indicatif si l’action subordonnée et son verbe régent ont le même sujet. C’est pourquoi Hitrec 2011 la considère comme un serbisme, en mentionnant toutefois qu’elle était jadis utilisée par des écrivains croate sous l’influence du serbe. La construction avec da est rejetée par Rujnić-Sokele 2013 également (p. 9).
  62. Son sens principal est « quand ».
  63. Construction analogue à celle du français dans tous les registres.
  64. Barić 1997, p. 575. D’autres, tels Hitrec 2011 et Rujnić-Sokele 2013 (p. 9) considèrent cette construction comme la seule correcte dans les mêmes cas, rejetant la construction avec da + verbe à l’indicatif, fréquente en serbe.
  65. Autre construction analogue à celle du français.
  66. HJP.
  67. Tadić 2011, p. 56.
  68. Cf. Browne et Alt 2004, p. 56-59.
  69. Barić 1997, p. 287.
  70. Browne et Alt 2004, p. 56.
  71. Section d’après Barić 1997, p. 332-333, 368-369, 379-384, 388.
  72. Barić 1997, p. 334, 369, 386, 389.
  73. Section d’après Barić 1997, p. 298-299, 335-355, 370, 389, sauf les de sources indiquées à part.
  74. Section d’après Barić 1997, p. 355, 371, sauf les informations de sources indiquées séparément.
  75. Exemples de HJP.
  76. Section d’après Tadić 2011, p. 56, 58, et HJP. Les exemples retenus ici sont ceux entrés dans le croate standard
  77. Cf. Milković, p. 37-48, citant plusieurs auteurs qui le confirment.
  78. Maretić 1924, p. XIV, cité par Milković 2010, p. 43.
  79. Samardžija 1998, p. 135.
  80. Grčević 2002, p. 2-4.
  81. Franičić 2005 affirme que le premier principe de la standardisation dans les terminologies est : « Les mots autochtones ont la priorité par rapport aux mots étrangers (ex. [...] knjižnica par rapport à biblioteka) » (p. 221), cité par Milković, 2010, p. 55.
  82. Tadić 2011, p. 61.
  83. Kordić 2009, p. 315-327.
  84. Cf. HJP, où ces mots sont indiqués comme croates régionaux ou familiers, et en même temps serbes.
  85. Cf. Midžić 2008.

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Sources bibliographiques



Sur la langue commune


Sur le croate

Sources directes
Sources indirectes

Bibliographie supplémentaire


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[de] Kroatische Sprache

Kroatisch (kroatisch hrvatski jezik) ist eine Standardvarietät aus dem südslawischen Zweig der slawischen Sprachen und basiert wie Bosnisch und Serbisch auf einem neuštokavischen Dialekt.

[en] Croatian language

Croatian (/kroʊˈeɪʃən/ (listen); hrvatski [xř̩ʋaːtskiː]) is the standardized variety of the Serbo-Croatian pluricentric language[9][10][11][12][13] used by Croats,[14] principally in Croatia, Bosnia and Herzegovina, the Serbian province of Vojvodina, and other neighboring countries. It is the official and literary standard of Croatia and one of the official languages of the European Union. Croatian is also one of the official languages of Bosnia and Herzegovina and a recognized minority language in Serbia and neighboring countries.

[es] Idioma croata

El idioma croata o dialecto croata (hrvatski jezik o hrvatski dijalekt en croata) es una variante del serbocroata estándar. La división es en parte similar a la existente entre el español de España y el español americano,[1][2][3][4] si bien las diferencias dentro del ámbito lingüístico del español son mayores que las del croata y el serbio.[5][6] El croata y las otras así llamadas variedades del serbocroata se diferencian en pequeñas cosas (uso de palabras, gramática); sin embargo, son equivalentes y mutuamente inteligibles.[7][8] El croata es hablado principalmente en Croacia, en donde es oficial, así como en las zonas de Bosnia y Herzegovina, Eslovenia, Serbia, Macedonia del Norte, Montenegro y Kosovo habitadas por croatas.[9]
- [fr] Croate

[it] Lingua croata

La lingua croata (nome nativo: hrvatski jezik, AFI: [xř̩ʋaːtskiː]) è un idioma slavo riconosciuto come la lingua ufficiale della Croazia, Bosnia ed Erzegovina ed Unione Europea; si tratta di una delle quattro varietà standardizzate della lingua serbo-croata.

[ru] Хорватский язык

Хорва́тский язы́к (hrvatski jezik) — официальный язык Хорватии, Боснии и Герцеговины (наряду с боснийским и сербским) и один из шести официальных языков автономного края Воеводины в составе Сербии. Кроме того, он является официальным в некоторых муниципалитетах австрийской федеральной земли Бургенланд. Является одним из 24 официальных языков Европейского союза.



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