Le créole louisianais (autonyme : Kréyol La Lwiziàn ; en anglais : Louisiana Creole) est une langue créole à base lexicale française parlée en Louisiane et ayant de nombreuses ressemblances avec d'autres créoles à base lexicale françaises parlés dans les Caraïbes, tel le créole haïtien et surtout le créole guyanais.
Ne doit pas être confondu avec Français louisianais.
Créole louisianais Kréyol La Lwiziàn | |
Pays | États-Unis |
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Région | Louisiane (particulièrement dans les paroisses de Saint-Martin, Saint-Landry, Jefferson et de Lafayette), Illinois et du Texas (est). Communauté non négligeable en Californie, surtout dans le nord de l'état. |
Nombre de locuteurs | >10 000 () |
Classification par famille | |
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Codes de langue | |
IETF | lou
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ISO 639-3 | lou
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Carte | |
Paroisses créolophones de Louisiane. | |
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Cet idiome, parlé essentiellement par la communauté noire, tient une grande partie de son lexique du français populaire véhiculaire de l’époque coloniale (comme le créole antillais), qui était la langue maternelle des planteurs et était très répandu à La Nouvelle-Orléans. Son usage est aujourd'hui restreint pour l’essentiel aux paroisses d'Orléans (ville de La Nouvelle-Orléans), de Saint-Bernard, de Saint-Tammany, de Saint-Charles, de Saint-Jean-Baptiste, de Jefferson, de Bâton-Rouge-Ouest, de la Pointe-Coupée, des Avoyelles, de Sainte-Marie, de l'Ibérie, de l'Assomption et de Saint-Landry.
Le créole, à la suite de la fusion des communautés francophones, a exercé une certaine influence sur le français louisianais, dialecte français avec une grammaire proche du français standard qui lui dérive presque uniquement du français acadien tel qu’il était parlé dans la colonie française d’Acadie (Provinces maritimes du Canada et le Maine américain).
Cependant, le créole louisianais applique un lexique d'origine française à un système grammatical et à une syntaxe qui sont très différents de la grammaire et de la syntaxe française.
Le créole louisianais se dénomme lui-même Kréyol La Lwiziàn. En anglais, on le nomme également gombo french ou encore courimavini de manière péjorative. Du fait de son origine noire on parle aussi de français nèg’ ou nèg’.
La plupart des créoles sont situés dans le sud et le sud-ouest de la Louisiane, ils sont aussi nombreux à Natchitoches sur Cane River et dans une moindre mesure dans le sud-est du Texas (Houston, Port Arthur, Galveston) et à Chicago. En Californie le nombre de créolophones dépasserait même celui de la Louisiane, ils vivent surtout à Los Angeles et San Diego et San Bernardino ainsi que dans le Nord (San Francisco, Sacramento, Comté de Plumas, Comté de Tehama, Comté de Mono, et dans le Comté de Yuba).
La Paroisse St. Martin forme le cœur de la région créole. D'autres communautés existent autour du Bayou Têche à St-Landry, Avoyelles, Iberia et Paroisse St-Marie. Il y a de petites communautés à False River (Paroisse Terrebonne, Paroisse de Pointe-Coupée), ainsi que sur le Mississippi à Ascension, sur les paroisses St-Charles, St-Jacques et St-Jean-Baptiste (Klingler; Marshall; Valdman).
L'expression « Créole de Louisiane » fait habituellement référence aux populations créoles de Louisiane aux États-Unis et à ce qui y est associé. En Louisiane, l'identité créole peut tromper : elle n'a rien à voir avec la langue créole.
Pendant les colonisations françaises et espagnole de la Louisiane, l'usage de l'expression « créole », en tant qu'adjectif, était réservée uniquement aux gouvernements coloniaux. On appelait créole toute personne, produit ou animal nés dans la colonie. L'esclave créole valait nettement mieux que l'Africain, car il parlait déjà une langue compréhensible aux Français (donc le français ou le créole louisianais) et il était moins réceptif aux maladies dues au climat de la colonie.
La vente de la colonie française de Louisiane en 1803 provoqua une division culturelle entre les francophones de la colonie et les anglo-saxons venus administrer le nouveau territoire. Le premier gouverneur du territoire de Louisiane, William C. C. Claiborne, un anglo-saxon né dans le Tennessee, avait pour premier but d'assimiler la colonie francophone de Louisiane. Rapidement, il allait entrer en opposition avec l'ancienne classe dirigeante francophone.
C'est à partir de ce moment que les anciens habitants de la Louisiane commencent à s'identifier en tant que Créoles pour se distinguer des Anglo-Saxons. À la Nouvelle-Orléans, la rue du Canal allait marquer la frontière linguistique, entre les quartiers de langues française/créole et anglaise. D'où le nom du célèbre Quartier Français de la Nouvelle-Orléans, où vivaient les francophones de la ville.
Lorsque le Congrès des États-Unis d'Amérique vota l'abolition de l'esclavage, les mulâtres libres de Louisiane se rangèrent du côté des confédérés esclavagistes. Sous administration française et espagnole de la Louisiane, la loi coloniale reconnaissait trois rangs de la société louisianaise : Blancs, « gens de couleur libres » et esclaves, ce qui n'existait pas en Nouvelle-Angleterre.
Cette particularité permit l'émergence d'une nouvelle identité dans la colonie, celle des gens de couleur libres. Lorsque l'Union gagna la guerre, l'homme de couleur libre crut son identité menacée par la suppression de l'esclavage, qui le plaçait dans la même catégorie que les anciens esclaves. Comme les Blancs, quelque quarante ans plus tôt, l'ancien homme de couleur libre revendiqua l'appartenance au groupe des Créoles pour faire la distinction avec l'ancien esclave.
Quant aux esclaves francophones, ils ont cherché à se constituer une identité catholique et créolophone. Mais cette distinction s'est estompée avec le Mouvement des Droits Civils et le Mouvement de Fierté Noire dans les années 1960, où le Noir devait alors choisir entre une identité créole et l'assimilation à la communauté des Noirs anglophones beaucoup plus influente.
Au début du XXIe siècle, le créole de Louisiane est en voie de disparition ; aucun mouvement linguistique officiel n'a été créé pour le préserver.
Néanmoins l'identité créole est à nouveau revalorisée en raison d'un nouvel engouement pour la langue française cadienne, encouragé par l'État.
En général, la grammaire du créole louisianais est très proche de la grammaire du créole haïtien. Les articles définis en créole louisianais sont « a » et « la » pour le singulier et « yè » pour le pluriel. Contrairement au français, le créole place ses articles définis après le nom. Comme il n'y a pas de genre pour les noms, les articles varient seulement sur critère phonétique : « a » est placé après les mots finissant par une voyelle et « la » placé après ceux finissant par une consonne.
Un autre aspect du créole louisianais, contrairement au français est la conjugaison. Les verbes ne varient pas suivant la personne ou le nombre, ils ne varient pas non plus en fonction du temps. Les temps sont marqués par un jeu de particules ou simplement par le contexte.
Le vocabulaire du créole de Louisiane est issu de mots d'origine française, afro-caribéenne, indigène et espagnol. De nombreux mots relatifs aux plantes, à la topographie, et à la faune sont d'origine amérindienne en particulier Choctaw. La langue possède des vestiges des langues ouest et centre-africaines (Bambara, Wolof, Fon) dans la pratique vaudou.
Incluant les nombres français pour comparaison.
Nombre | Créole louisianais | Français |
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1 | un | un |
2 | dé | deux |
3 | trò, trwah | trois |
4 | kat | quatre |
5 | senk | cinq |
6 | sis | six |
7 | sèt | sept |
8 | wit | huit |
9 | nèf | neuf |
10 | dis | dix |
Anglais | Créole louisianais | Français |
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I | mo | je |
you (informal) | to | tu |
you (formal) | vou | vous |
he | li, ça | il |
she | li, ça | elle |
we | nou, nou-zòt (nous-autres) | nous |
you (plural) | vou, zòt, vou-zòt (vous-autres) | vous |
they (masculine) | yé | ils |
they (feminine) | yé | elles |
Anglais | Créole louisianais | Français |
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Hello. / Good morning. | Bonjou. | Bonjour. |
How are things? | Konmen lé-z'affè? | Comment vont les affaires ? |
How are you doing? | Konmen to yê? | Comment allez-vous ? / Comment vas-tu ? / Comment ça va ? |
I'm good, thanks. | Çé bon, mèsi. | Ça va bien, merci. |
See you later. | Wa (twa) pli tar. | Je te vois (vois-toi) plus tard. (À plus tard.) |
I love you. | Mo laimm twa. | Je t'aime. |
Take care. | Swinn-twa. | Soigne-toi. (Prends soin de toi.) |
Good evening. | Bonswa. | Bonsoir. |
Good night. | Bonswa. / Bonnwí. | Bonne nuit. |
Les expressions suivantes sont issus du livre de Lafcadio Hearn[1] :
La littérature créole est la première littérature afro-américaine à se développer sur le territoire américain dès le XIXe siècle[6], influencé par le romantisme et la lutte en faveur de l'abolition de l'esclavage. En 1845, 17 afro-créoles libres publient une collection de 80 poèmes, Les Cenelles, Choix de Poésies Indigènes, ouvrage considéré comme la première anthologie afro-américaine publiée aux États-Unis. Cet ouvrage a été réédité par Râegine Latortue et Gleason R. W. Adams dans les années 1970 sous le titre Les Cenelles; A Collection of Poems by Creole Writers of the Early Nineteenth Century. Robert Tallant a quant à lui publié un recueil de contes folkloriques nommé Gumbo Ya-Ya: Folk Tales of Louisiana et James Cowan, La Marseillaise Noire (et autres poèmes de la Nouvelle-Orléans)[7].
Le zarico, (ou zydeco), est un genre musical apparu dans les années 1930 en Louisiane, proche parent de la musique cadienne, incluant de nombreuses influences blues et rhythm and blues (joué par des Cadiens et Créoles noirs de Louisiane). À l'origine, le zarico était uniquement chanté en français (et non en créole). Puis au fil des décennies, des Créolophones, comme les frères Chénier, se sont présentés et ont rajouté un élément linguistique qui n'existait pas auparavant.
Les chanteurs du zarico se disent « Créole », bien que la majorité sont francophones et une grande partie d'origines acadiennes et non créoles.
« Conte Roland assite enba in pin. Kôté l’Espagne li tournin so figuire, li komansé pensé boucou kichoge : tou laterre yé li prenne comme in brave, la France si doux, nomme so famille, é Charlemagne so maite, ki té nouri li. Li pa capab’ péché krié é soupiré. Main li vé pa blié li meme, li confessé so péché, mandé bon Djé pardon ‘mo bon papa ki jamin menti, qui té ressuscité Saint Lazare et sauvé Daniel de lion layé, sauvé mo zame dé tou danzer pou péché qué dans mo la vie mo fai. So dégant drét li ofri bon Djé, saint Gabriel prenne li dans so la main enhau so bra li tchombo so latéte, so lamain yé jointe, é li mouri enfin. Bon Djé voyé so zange cherubin é saint Michel dé lamer péril avec yé saint Gabriel vini é yé porté so zame dans paradis. », Alcée Fortier, Louisiana Studies: Literature, Customs and Dialects, History and Education, Hansell et Bro., La Nouvelle Orléans, 1894 [lire en ligne].
« Le comte Roland est couché sous un pin. Vers l’Espagne il a tourné son visage. De maintes choses il lui vient souvenance : de tant de terres qu’il a conquises, le vaillant, de douce France, des hommes de son lignage, de Charlemagne, son seigneur, qui l’a nourri. Il en pleure et soupire, il ne peut s’en empêcher. Mais il ne veut pas se mettre lui-même en oubli ; il bat sa coulpe et implore la merci de Dieu : « Vrai Père, qui jamais ne mentis, toi qui rappelas saint Lazare d’entre les morts, toi qui sauvas Daniel des lions, sauve mon âme de tous périls, pour les péchés que j’ai faits dans ma vie ! » Il a offert à Dieu son gant droit : saint Gabriel l’a pris de sa main. Sur son bras il a laissé retomber sa tête ; il est allé, les mains jointes, à sa fin. Dieu lui envoie son ange Chérubin et saint Michel du Péril ; avec eux y vint saint Gabriel. Ils portent l’âme du comte en paradis. » d’après le manuscrit d’Oxford, traduction par Joseph Bédier, La Chanson de Roland, Paris, L’Édition d’Art H. Piazza, 1937.
Sigal la e Froumi la :
« Sigal la té chanté tou leté, Li té pa gen aryen, Kann liver vini; Pa menm en ti moso Demouche ou en devers. Li kouri koté Froumi, so kwasin. Li hélé li té gen fem. Si t'ole pret mwen en grenn Pou viv jisk a printann. M'apaye twa, li di, Avan lotonn, si mo parol, Lintere la er principal la. Froumi la lem pa prete: Se so sèl defo. Sa to fè kann li tè fè cho? Sigal la monde li. -Tou la nwit e tou la joune Mo tè chante, mo tè chante. To tè chante? Mo ben consen. Astè to ka danse, to ka danse. »
La Cigale et la Fourmi, La Fontaine :
« La cigale ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. "Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'oût, foi d'animal, Intérêt et principal. " La Fourmi n'est pas prêteuse, C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant, Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j'en suis fort aise, Eh bien! dansez maintenant. »
[lou]
dans la base de données linguistique Ethnologue.