Le francoprovençal est une langue romane parlée en France, en Suisse et en Italie. C’est l'une des langues distinctes du groupe linguistique gallo-roman.
Pour les articles homonymes, voir Romand.
Ne doit pas être confondu avec Provençal, Francitan ou Franco-occitan.
« Arpitan » redirige ici. Pour les autres significations, voir Arpitan (fromage).
Francoprovençal (arpetan, arpitan, francoprovençâl, francoprovençal, franco-provençal, romand, patouès)[1] | ||
Les régions historiques de l’aire linguistique francoprovençale (Arpitanie), avec toponymie en francoprovençal. | ||
Pays | France, Italie, Suisse | |
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Région | Bresse, Bourgogne du sud, Bugey, Dauphiné, Forez, Franche-Comté, Lyonnais, Savoie, Suisse romande (sauf le Jura), Piémont (vallées arpitanes), Pouilles (seulement 2 communes), Vallée d’Aoste | |
Nombre de locuteurs | Total : 140 000 (1988) dont dans l'Ain : 15 000 dont en Isère : 2 000 dont dans le Jura et le Doubs : 2 000 dont dans la Loire : 5 000 dont dans le Rhône : 1 000 dont en Savoie : 25 000 (2022)[2] dont en Vallée d'Aoste : 61 822 (2003)[3] dont en Italie : 70 000 (1971)[4] dont en Suisse : 7 000 (1995)[4] |
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Typologie | syllabique | |
Classification par famille | ||
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Statut officiel | ||
Langue officielle | ||
Codes de langue | ||
IETF | frp
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ISO 639-2 | roa[8]
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ISO 639-3 | frp
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Étendue | langue individuelle | |
Type | langue vivante | |
Linguasphere | 51-AAA-j
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Glottolog | fran1269
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Échantillon | ||
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme : Francoprovençal (norme ORB) Articllo premiér (1) : Tuis los étres humens nêssont libros et pariérs en dignitât et en drêts. Ils ant rêson et conscience et dêvont ag·ir los yons devérs les ôtros dens un èsprit de fratèrnitât. |
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L'expression peut induire en erreur car cette langue n'est pas un mélange de français et de provençal. Elle est juste située, géographiquement, entre les deux.
Certains lui préfèrent le terme de romand, d'autres militent pour arpitanÉcouter.
Le francoprovençal est considéré comme une langue bien distincte. Du fait de sa situation géographique, il possède néanmoins certains traits communs avec les langues d'oïl du Nord et avec l'occitan du Sud. Il intègre aussi des éléments des langues germaniques et italo-romanes.
Le francoprovençal est répertorié dans l'atlas UNESCO des langues en danger dans le monde[9], ainsi que dans le rapport du parlement européen sur les langues menacées de disparition[10].
La création de l’expression franco-provençal est due au linguiste italien Graziadio Isaia Ascoli en 1873 :
« J'appelle franco-provençal un type linguistique qui réunit, en plus de quelques caractères qui lui sont propres, d'autres caractères dont une partie lui est commune avec le français (un des dialectes de langues d'oïl[12]) et dont une autre lui est commune avec le provençal, et qui ne provient pas d'une tardive confluence d'éléments divers, mais au contraire atteste de sa propre indépendance historique, peu différente de celle par lesquelles se distinguent entre eux les autres principaux types romans. »
— Graziadio Isaia Ascoli
Ce mot est désormais écrit en un seul mot, sans trait d’union, afin d'éviter la confusion et de souligner le caractère indépendant de cette langue. Le terme « provençal », au moment où Ascoli écrit ces lignes, ne se réfère pas uniquement à la langue de la Provence, mais à l'intégralité de la langue occitane. En effet, l'occitan, avant d’obtenir son nom de baptême définitif, en a reçu plusieurs : limousin puis provençal.
La suppression du trait d’union, proposé au colloque de dialectologie francoprovençale de 1969 à l'université de Neuchâtel[13], traduit lexicalement la volonté de créer une identité propre et plus marquée ; elle vise également à éviter de suggérer que la langue se borne à une simple juxtaposition d'éléments issus des langues d'oïl et d'oc.
C'est sous cette dénomination que cette langue est officiellement reconnue[14],[15],[16].
Le terme romand pour désigner ce qui sera nommé francoprovençal par les linguistes est attesté depuis le XVe siècle (dans un document fribourgeois de 1424 qui autorise les notaires à « faire lettres en teif [= allemand] et en rommant ») ; il est fréquent dans des documents vaudois et fribourgeois des XVIIe et XVIIIe siècles. Il est encore attesté à Genève au XIXe siècle, mais il n'est pas utilisé pour les parlers extérieurs à la Suisse romande[réf. nécessaire].
Les termes arpitan et arpian signifient montagnard pour le premier, berger pour le deuxième[17]. Ils ont été repris au début des années 1970 pour répondre au besoin de lever la confusion générée par le terme francoprovençal. La forme particulière arpitan a été choisie pour sa ressemblance avec le nom de la seconde grande langue gallo-romane, l’occitan. Littéralement, arpian ou arpitan, signifie donc « le montagnard, le berger ».
Arpitan est formé à partir de la racine pré-indo-européenne *alp-[18], dans sa variante dialectale moderne arp- ; en arpitan, ce mot ne désigne pas la « montagne », une « forme de relief élevé », comme on le croit communément, mais les « pâturages de montagne où les troupeaux sont conduits et passent l’été »[19] (voir alpage). Cette racine est présente dans de nombreux noms de lieux, tant en Haute-Provence (Arpasse, Arpette, Arpillon, etc.), qu’en Dauphiné (Arp, Arpion, Arpisson, Aup, etc.), Savoie (Arpettaz, Arpeyron, Arpiane, Aulp, etc.), Valais (Arpette, Arpache, Arpitetta, etc.) et en Vallée d'Aoste (Arp, Arnouvaz, Arpet, Arpetta, Arpettaz, etc.). On retrouve cette racine ou ses variantes en Lombardie, en Suisse, en Allemagne et en Autriche.
À partir de 1974, et jusqu’au début des années 1980, un équivalent orthographié harpitan a été utilisé par le mouvement socio-culturel et politique valdôtain Movement Harpitanya. Politiquement de gauche, ce mouvement prône la « libération nationale et sociale de l’Harpitanie » par la création d'une fédération arpitane à cheval sur les Alpes, englobant la Vallée d'Aoste, la Savoie, les vallées arpitanes piémontaises et le Valais occidental[20],[21].
Dès la création de l'Alliance culturelle arpitane (ACA) en 2004, le terme arpitan (sans h initial) désigne la langue sans revendication politique. Sur son site officiel, l'ACA, qui promeut le terme arpitan, déclare clairement qu'elle est une « association politiquement neutre »[22], ce que confirme la directrice du Centre d'études francoprovençales, Christiane Dunoyer : « Il n’y a pas eu une filiation directe, il n’y a pas eu d’institutions ou des personnes qui aient revendiqué cet héritage d’une manière consciente et officielle. Mais il est certain que cela a contribué à faire évoluer les consciences et à faire en sorte que certaines idées progressent. Il y a par exemple une homonymie entre Harpitanya d’il y a quarante ans et un mouvement éminemment culturel qui existe de nos jours. Il rassemble des jeunes gens de Suisse, de Savoie, du Lyonnais, etc., et qui communiquent surtout par le biais des nouvelles technologies et ils portent de l’avant un projet culturel commun »[23].
Jusque-là peu usité dans les publications de la recherche universitaire francophone, le terme arpitan est reconnu dans la terminologie universitaire comme un synonyme de francoprovençal. Le SUDOC[24] (Système universitaire de documentation), système de référence, l’a indexé comme tel.
Le terme commence à être utilisé dans la littérature universitaire des chercheurs internationaux et dans la littérature des spécialistes locaux[25].
Il est aujourd’hui en usage dans certaines associations de locuteurs, notamment l’Association des enseignants de savoyard (AES), présidée par Marc Bron, et pour qui la dénomination franco-provençal « est malheureuse, car elle laisse un parfum d’inachevé, d’amalgame entre oc et oïl, alors qu’elle n’est ni d’oc, ni d’oïl. Que dirait-on si l’on avait appelé l’occitan le franco-espagnol, le franco-italien ou le franco-corse ? Cela n’aurait manifestement pas été sérieux. Cela ne l’est pas davantage concernant le savoyard[26].»
La Fédération internationale de l'arpitan (ACA)[27], implantée à Saint-Étienne, Sciez et Lausanne, souhaite « rendre visible l’arpitan sur la place publique ». Elle promeut l’utilisation d’une orthographe unifiée (l’orthographe de référence B) et le mot arpitan. Elle estime que le composé francoprovençal prête à confusion[28],[29], entravant ainsi ses chances de reconnaissance officielle en tant que langue minoritaire (en France notamment[30]).
La linguiste Claudine Brohy, de l'institut de plurilinguisme de l'université de Fribourg, note que ce néologisme est « de plus en plus utilisé »[31].
Le linguiste Médéric Gasquet-Cyrus estime cependant que l’usage du terme arpitan « demeure limité, notamment sur Internet, à un cercle très étroit de militants relativement jeunes »[32], alors que James Costa avoue dans un article avoir été « surpris par l’absence du terme arpitan dans les questionnaires recueillis, absence d’autant plus remarquable que le terme est en concurrence sérieuse avec le terme francoprovençal sur internet. Arpitan semble en usage principalement au sein de réseaux plus jeunes et plus militants »[33]. Ce dernier juge par ailleurs que « le terme d’arpitan renvoie […] à un espace politique potentiel, l’Arpitanie, au sein duquel l’arpitan serait la langue héritée et en voie de disparition. Le terme d’arpitan facilite ainsi une identification entre langue, territoire et peuple, selon le triptyque classique dans la construction des États-nations européens depuis le XVIIIe siècle »[33].
Selon Natalia Bichurina, « sur Internet le terme arpitan paraît plus populaire que francoprovençal, alors qu’au sein des associations, ce serait plutôt le contraire »[34]. Elle attribue cette différence au côté militant qui est revendiqué par le mouvement arpitan et que n’ont pas les mouvements patoisants ou francoprovençaux[34].
L’aire francoprovençale, parfois appelée Arpitanie[36], est délimitée, inclusivement, par les régions listées ci-dessous.
La majeure partie de l'ancienne région Rhône-Alpes : toute la Savoie (Savoie propre, Maurienne, Tarentaise, Genevois, Chablais et Faucigny), le Forez (département de la Loire), la Bresse, la Dombes, le Revermont, le Pays de Gex, le Bugey, l’agglomération de Lyon, le Nord-Dauphiné ; une partie de la Franche-Comté[37] et de la Saône-et-Loire. Plusieurs communes du sud-est de l'Allier parlent francoprovençal[38].
La langue influence aussi le parler auvergnat de la Montagne bourbonnaise dans l'Allier[39],[40] ou du « Croissant » du reste de la Montagne bourbonnaise[41].
Note : seule la partie nord du Dauphiné est dans la zone francoprovençale. Les départements de la Drôme et des Hautes-Alpes sont occitans (sauf l'extrême nord de la Drôme). La majeure partie de l’Isère est francoprovençale mais certaines zones du sud sont occitanes. Une description extrêmement précise de la frontière entre occitan et francoprovençal est décrite avec une carte par Gaston Tuaillon en 1964[42].
Selon la dialectologue Colette Dondaine[43], il est vraisemblable qu’à l’origine (avant l’apparition des premiers textes littéraires), l’actuelle Franche-Comté, jusqu’aux pieds des Vosges, faisait également partie de l’espace francoprovençal.
La Vallée d'Aoste, à l’exception des communes Walser de Gressoney-Saint-Jean, Gressoney-La-Trinité et Issime, dans la Vallée du Lys.
Les hautes vallées piémontaises dans les communes suivantes :
Auxquelles il faut ajouter une partie de la commune de Trana, le hameau de Grandubbione et deux enclaves dans les Pouilles sont dues à l’émigration de locuteurs au XIVe siècle : Faeto/Fayet et Celle di San Vito/Cèles de Sant Vuite.
Note : les vallées plus méridionales (Haute vallée de Suse, Val du Cluson, etc.) du Piémont parlent l’occitan.
Tout l’espace romand (à l’exception du canton du Jura, et du district de Moutier (intégré depuis 2010 dans l'arrondissement administratif du Jura bernois, canton de Berne), qui font partie des parlers d’oïl).
Les habitants de la colonie viticole suisse de Chabag parlaient un patois romand pendant le XIXe siècle et le début du XXe[44].
L'héritage linguistique primitif se limite à la toponymie et à l'hydronymie comme Arrondine, Arve, Alpes, Truc, Bec.
Le mot chalet (popularisé par Jean-Jacques Rousseau) dérive également d'une hypothétique racine préceltique (ou ligure) *cal- signifiant « abri ». Il est à noter que le francoprovençal ORB souta (localement orthographié chotta, chota ou cheûta), signifiant aussi « abri », provient du latin populaire *susta (du verbe latin « substare » qui signifie « se tenir dessous »)[48].
À la période de La Tène, des tribus celtes s'installent dans la région : Allobroges au nord de l'Isère, Ceutrons en Val d’Isère, Salasses en Vallée d’Aoste, Helvètes et Séquanes dans l’actuelle Suisse romande). Leur influence demeure perceptible dans le lexique commun avec les mots méleze (*melatia), nant (*nantu « vallée »), balme (*balma « trou »)[réf. nécessaire].
L'origine latine de la langue francoprovençale, dont il dérive majoritairement, est démontrée dès sa définition par Graziadio Isaia Ascoli. Plusieurs romanistes comme Walther von Wartburg (1946) et Pierre Bec (1971) estiment que le francoprovençal constituerait la première branche divergente du groupe des parlers d’oïl[49] et ce dernier situe cette divergence aux alentours du VIIIe ou IXe siècle. Le bloc d’oïl de l’ouest aurait continué à évoluer et le francoprovençal aurait fait preuve d’un conservatisme marqué.
Des recherches récentes[50] démontrent que le francoprovençal n’est pas une branche archaïque de la langue d'oïl. C'est une langue romane indépendante, aussi ancienne que les autres langues gallo-romanes. Les premières caractéristiques de cette langue sont en effet attestées dans des inscriptions monétaires mérovingiennes de la fin du VIe siècle. L'analyse des traits majeurs de phonétique historique, qui ont permis de l'identifier, correspondent exactement aux limites du royaume des Burgondes d'avant les conquêtes mérovingiennes[49]. Ce fait est aussi étayé par l'aire du vocabulaire d'origine burgonde à l'intérieur de ces frontières[49]. Walther von Wartburg indique à ce sujet que la déformation des voyelles ĕ et ŏ est une trace d'une forte influence de la langue burgonde en tant que substrat phonétique[49].
Le fait que la région ne soit devenue française que tardivement explique en partie cette distinction vis-à-vis des langues d'oïl. Cependant, dès le Moyen Âge, ces deux régions échangent beaucoup et s'influencent entre elles linguistiquement[49]. D'ailleurs, la langue moderne continue à recourir à des termes médiévaux pour certains actes courants (bayâ pour donner, pâta pour chiffon, s’moussâ pour se coucher, etc.). Désormaux écrit à ce sujet dans la préface du Dictionnaire savoyard : « Le caractère archaïque des patois savoyards est frappant. On peut le constater non seulement dans la phonétique et dans la morphologie, mais aussi dans le vocabulaire, où l’on retrouve nombre de mots et de sens disparus dans le français propre. […] ». En outre, le francoprovençal partage certaines évolutions phonétiques primitives avec la langue d’oïl, mais non les plus récentes. En revanche, certains traits le rattachent à l’occitan (voir le chapitre Morphologie)[réf. nécessaire].
Cette langue n’a jamais pu développer une littérature du même niveau que ses trois grandes voisines d’oïl, d’oc et « de sì » (italien). Le morcellement politique (découpage entre la France, la Suisse, la Savoie/Sardaigne, le Piémont) et géographique, ainsi que l’abandon, dans les grands centres urbains comme Lyon, Grenoble ou Genève, du parler vernaculaire en faveur de la langue d’oïl véhiculaire, expliquent la faiblesse du corpus littéraire existant. Les premières traces écrites remontent aux XIIe et XIIIe siècles
Cependant, une tradition littéraire francoprovençale semble avoir existé, bien qu’aucune forme écrite prévalente ne soit identifiée :
Au XIIIe siècle, nous trouvons aussi :
Parmi les premiers écrits historiques dans cette langue figurent des textes rédigés par des notaires du XIIIe siècle lorsque le latin commence à être abandonné par l’administration officielle.
On peut citer la traduction du Corpus Juris Civilis (connu également sous le terme de Code Justinien) dans la langue vernaculaire parlée à Grenoble.
Des ouvrages religieux sont également traduits ou conçus en dialecte francoprovençal dans des monastères de la région. La Légende de Saint Barthélemy est l’un de ces ouvrages, écrit en dialecte lyonnais, qui ont survécu au XIIIe siècle. Marguerite d'Oingt (env. 1240-1310]), une religieuse de l’Ordre des Chartreux, écrit deux longs textes particulièrement remarquables dans ce même dialecte. Voici un extrait du texte original de La Vie de sainte Béatrice d’Ornacieux :
« Quant vit ço li diz vicayros que ay o coventavet fayre, ce alyet cela part et en ot mout de dongiers et de travayl, ancis que cil qui gardont lo lua d’Emuet li volissant layssyer ço que il demandavet et que li evesques de Valenci o volit commandar. Totes veys yses com Deus o aveyt ordonat oy se fit »
— § 112
Aux XIIIe et XIVe siècles, apparaît le début d'une littérature en francoprovençal dont nous sont restés plusieurs textes. Le francoprovençal manque d'un appui politique et financier pour s'affirmer comme, à la même époque, le font les langues d'oïl et d'oc. Les poètes francoprovençaux ne disposent pas d'une cour comparable à celles des seigneuries de langue d'oïl ou d'oc, d'où le fait que les poètes francoprovençaux aient plutôt cherché une audience et des soutiens en dehors du domaine francoprovençal à cette époque)[réf. nécessaire].
Au XIVe siècle, la ville suisse de Fribourg fait du patois fribourgeois sa « langue nationale » sous une forme que la recherche moderne appelle scripta para-francoprovençale[51]. Les procès-verbaux des délibérations du Conseil de la ville, les actes des notaires, etc. sont rédigés dans cette langue :
« Item hont ordoney li advoye, li consed et li ijc, que en chesque for de Fribor soyt li moistre et un bacheleir et ij. garzons por porteir l’aygue et les meiz in ce que un dont por chasque coppa de farina .iiij. d. por tottes choses et chascon reculle sa farina einsy quant a luy playrra de que chasque forna doyt contenir vij. coppes, li que forna se amonte ij. s. iiij. d. a vij. coppes de farina. »
— (Fribourg 1370, cf. Aebischer 1950, p. 115)
À partir du XVIe siècle, on recense de nombreuses transcriptions de chansons, poésies, fragments. Le Dictionnaire savoyard de A. Constantin et J. Désormaux (voir Bibliographie) mentionnent :
Au début du XVIIe siècle, de nombreux textes en francoprovençal voient le jour à l’occasion des conflits religieux entre les réformateurs calvinistes et les catholiques soutenus par le duché de Savoie.
Parmi les plus connus, on trouve Cé qu'è lainô (Celui qui est en haut), rédigé en 1603 par un auteur inconnu. Ce long poème narratif évoque l'Escalade, une tentative infructueuse de conquête de la ville de Genève par l’armée savoyarde qui provoqua de forts sentiments patriotiques. Ce poème est devenu plus tard l’hymne de la République de Genève. Voici les trois premières strophes en dialecte genevois avec leur traduction française[réf. nécessaire] :
Version avec graphie d'origine |
Version en francoprovençal moderne |
Version française |
Cé qu’è lainô, le Maitre dé bataille, |
Cél qu'est lé en-hôt, lo Métre des batâlyes |
Celui qui est en haut, le Maître des batailles, |
I son vegnu le doze de dessanbro |
Ils sont vegnus lo doze de dècembro |
Ils sont venus le douze de décembre, |
Pè onna nai qu’étive la pe naire |
Per una nuet qu'étêve la ples nêre |
Par une nuit qui était la plus noire, |
De nombreux écrivains composèrent des textes satiriques, moralisateurs, poétiques, comiques et des textes pour le théâtre, ce qui indique bien la grande vitalité de la langue francoprovençale de l’époque[réf. nécessaire] :
Nous avons :
Nous avons :
En Littérature valdôtaine, nous avons Jean-Baptiste Cerlogne (1826–1910), abbé à qui on reconnaît le mérite d’avoir promu l’identité culturelle de la Vallée d'Aoste et son patois par sa poésie (entre autres L’infan prodeggo, 1855) et par ses premiers travaux scientifiques. Le Concours Cerlogne – une manifestation annuelle qui porte son nom – permet depuis 1963 de sensibiliser des milliers d’étudiants italiens à la nécessité de conserver la langue de la région, sa littérature et son héritage[réf. nécessaire].
Extrait du poème La pastorala de Jean-Baptiste Cerlogne, le chant de Noël le plus célèbre au Val d'Aoste[réf. nécessaire] :
De nët euna leumiére / De nuet una lumiére / Durant la nuit une lumière ;
I berdzè l’at paru / Ès bèrgiers at pariu / Aux bergers apparut
Un andze vin leur dëre / Un ange vegnit lor dére / Un ange vint leur dire :
Lo Sauveur l’est neissu / Lo Sôvor l'est néssiu / Le Sauveur est né.
Un pouro baou l’est son palatse / Une pauvre étable est son palais,
Et sat pei de fen in traver / Et sept brins de foin en travers
Compouson lo deur matelatse / Composent le dur matelas
De ci gran Rei de l’univer / De ce grand Roi de l’univers ;
Et din la rigueur de l’iver / Et dans la rigueur de l’hiver
De dò trei lindzo l’est queuver / De deux ou trois linges il est couvert.
Amélie Gex (1835, La Chapelle-Blanche (Savoie)–1883, Chambéry), la grande poétesse savoyarde a écrit aussi bien en sa langue natale qu’en français. Elle fut une avocate passionnée par sa langue.
Les thèmes de son œuvre comprennent le travail, les thèmes lyriques, l’amour, la perte tragique de l’être aimé, la nature, le temps qui passe, la religion et la politique. Beaucoup considèrent ses contributions littéraires comme les plus importantes de cette langue. On compte parmi ses œuvres : Reclans de Savoie (Les Echos de Savoie, 1879), Lo Cent Ditons de Pierre d’Emo (Les Cent dictons de Pierre du bon sens, 1879), Fables (1898), et Contio de la Bova (Les Contes de l’Étable, -date?-[Quand ?]). Certains de ses écrits en français sont sur le point d’être imprimés[réf. nécessaire].
À la fin du XIXe siècle, les dialectes francoprovençaux commencent à disparaître. Les principales raisons en sont l’expansion du français dans tous les domaines et l’émigration des campagnards vers les centres urbains.
À cette époque, des sociétés savantes culturelles et régionales se mettent à collectionner les contes, les proverbes et les légendes recueillis auprès des locuteurs natifs.
Cette transcription continue aujourd’hui. De très nombreux travaux ont été publiés. Parmi ceux-ci, voici un extrait en dialecte Neuchâtelois de Le renâ à Dâvid Ronnet (Le renard de David Ronnet), tiré de Le Patois Neuchâtelois, Favre, 1894, p. 196) :
« Aë-vo jamai ohyi contâ l’istoire du renâ que Dâvid Ronnet a tioua dé s’n otau, à Bouidry ? Vo peuté la craëre, è l’é la pura veurtâ.
Dâvid Ronnet êtaë én’ écofi, on pou couédet, qu’anmâve grô lé dzeneuillè; el é d-avaë mé d’èna dozân-na, avoué on poui que tsantâve dé viadze à la miné, mâ adé à la lévaye du solet. Quaë subiet de la métsance! mé z-ami ! E réveillive to l’otau, to lo vesenau; nion ne povaë restâ u llie quan le poui à Dâvid se boétàve à rélâ. Ç’tu poui étaë s’n orgoû.
Le gran mataë, devan de s’assetâ su sa sulta por tapa son coëur & teri le l’nieu, l’écofi lévâve la tsatire du dzeneuilli por bouèta feur sé dzeneuillé & lé vaër cor dè le néveau. E tsampâve à sé bêté dé gran-nè, de la queurtse, du pan goma dè du lassé, dé cartofiè coûtè, & s’amouésâve à lé vaër medzi, se roba lé pieu bé bocon, s’énoussa por pieu vite s’épyi le dzaifre. »
« Avez-vous déjà entendu l’histoire du renard que David Ronnet a tué chez lui, à Boudry ? Vous pouvez y croire ; c’est la pure vérité.
David Ronnet était un cordonnier plutôt travailleur qui aimait beaucoup les poules ; il en avait plus d’une douzaine, avec un coq qui parfois chantait à minuit, mais toujours au lever du soleil. Quel grabuge, mes amis ! Ça réveillait toute la maison, tout le voisinage ; personne ne pouvait rester au lit quand le coq de David commençait à crier. Ce coq était son orgueil.
De grand matin, avant de s’asseoir sur son siège pour battre son cuir et [en] tirer les semelles*, le cordonnier levait la porte du poulailler pour faire sortir ses poules et les regarder courir dans le porche. Il lançait à ses bêtes des grains, de l’avoine, du pain trempé dans du lait, des pommes de terre cuites, et il s’amusait à les voir manger, se voler* les plus grands morceaux, se hâter* pour plus vite se remplir l’estomac. »
Bien que confiné à l’expression orale, le francoprovençal a relativement bien survécu jusqu’au début du XXe siècle, malgré son morcellement, dans les populations rurales. L’isolement relatif des vallées alpines et un faible solde migratoire avant la révolution industrielle expliquent ce maintien.
Au XXe siècle, les écrivains les plus célèbres pour leur utilisation du patois sont[réf. nécessaire] :
Antoine de Saint-Exupéry a été traduit : Le Petit Prince est devenu Lo Petsou Prince (traduction par Raymond Vautherin, (Gressan : Wesak Éditions, 2000[52]). Voici les premières lignes de la deuxième partie du conte en patois valdôtain :
« L’y est chouë s-an, dz’ëro restà arrëto pe lo déser di Sahara. Quaque tsousa se s’ëre rontu dedin lo moteur de mon avion. Et di moman que dz’ayò avouë ni mecanichen, ni passadzë, dze m’apprestavo de tenté, solet, euna reparachon defecila. L’ëre pe mè euna questson de via o de mor. Dz’ayò dzeusto praou d’éve aprë p’euna vouètèina de dzor.
La premiëre nët dze me si donque indrumi dessu la sabla a pi de meulle vouet cent et cinquante dou kilomètre d’un bocon de terra abitàye. Dz’ëro bien pi isolà d’un nofragà dessu euna plata-fourma i menten de l’ocean. Donque imaginade mina surprèisa, a la pouinte di dzò, quan euna drola de petsouda voéce m’at revèillà. I dijet:
— Pe plèisi… féi-mè lo dessin d’un maouton tseque ! »
En l'an 2000, les Éditions des Pnottas ont publié le premier livre de bande dessinée en dialecte savoyard, Le rebloshon que tyouè ! (Le Reblochon qui tue !)[53], dans la série Fanfoué des Pnottas, illustré par Félix Meynet et écrit par Pascal Roman.
On a aussi traduit en francoprovençal deux bandes dessinées tirées des Aventures de Tintin : Lé Pèguelyon de la Castafiore (Les Bijoux de la Castafiore) en dialecte bressan[54], L’Afére Pecârd en francoprovençal ORB*[55], et L’Afére Tournesol en dialecte gruérien. Ces trois livres, à l’origine écrits et illustrés par Hergé (Georges Remi), ont été publiés en 2006 et 2007 aux éditions Casterman.
Le francoprovençal a longtemps été socialement déconsidéré, au même titre que les autres langues régionales de France. Longtemps délaissé ou combattu par les pouvoirs publics, n'ayant eu un caractère officiel que très rarement au cours de son histoire, le francoprovençal est menacé mais connaît aujourd'hui un léger regain d'intérêt, porté notamment par des fédérations associatives.
La France ne reconnaît pas son existence en tant que langue régionale alors qu'elle est enseignée dans plusieurs collèges et lycées de Savoie[56],[57].
Sa perpétuation en Vallée d'Aoste s'explique par des raisons politiques et historiques. La vallée a pratiqué jusqu'au XIXe siècle un régime de diglossie où le francoprovençal était relayé à l'écrit et dans l'enseignement par la langue française — comme en Savoie, dans le Lyonnais ou en Suisse Romande. Mais contrairement à ce qui s'est passé dans les autres régions de l'aire francoprovençale, le français n'a pas pu prendre le dessus, car l'État italien, à partir de son unification en 1861, s'est attaché à l'éradiquer, avec un paroxysme de violence durant l'ère fasciste. Il a dans ce but encouragé l'immigration massive d'Italiens en poussant les autochtones à l'émigration (vers Paris, Lyon et Genève notamment).
En revanche, l'usage oral du « patois », ainsi dénommé par les Valdôtains eux-mêmes, a été toléré en milieu rural dès lors qu'il ne portait pas ombrage à l'italien rendu obligatoire dans la vie économique, l'enseignement et les actes officiels. Cela a permis sa survie, faute d'être concurrencé par le français, qui a constitué l'objectif de la politique de repression linguistique menée par les autorités fascistes dans les années de 1920 à 1940. À la fin du XXe siècle, à Aoste le Valdôtain était parlé soit par les personnes âgées, soit exclusivement dans le domaine institutionnel et intellectuel. En revanche, il est parlé en tant que langue maternelle, toutes générations confondues, dans le reste de la région, à partir des communes autour du chef-lieu régional, jusque dans les vallées latérales.
Cet idiome participe aujourd'hui d'une certaine revendication identitaire et d'une reconnaissance au niveau officiel, par un statut de langue minoritaire, à côté des deux langues officielles de la région autonome (le français et l'italien)[58].
En 1985, par une loi régionale dans le cadre des Services culturels de l'Assessorat régional de l'Instruction publique, est constitué le Bureau régional pour l'ethnologie et la linguistique (BREL), qui s'est greffé sur les actions déjà mises en chantier par deux associations : le Centre d'études francoprovençales « René Willien » de Saint-Nicolas (village natal de l’abbé Jean-Baptiste Cerlogne, poète en valdôtain et auteur de la première grammaire valdôtaine et du premier dictionnaire français-valdôtain), et l'AVAS (Association valdôtaine des archives sonores), dont il a pris la relève et avec lesquelles il continue à collaborer grâce aussi à une convention qui en réglemente les rapports.
En 1995, l’École populaire de patois (EPP) est fondée. Elle organise des cours pour les adultes et les enfants. Des cours de valdôtain ont été introduits notamment dans les écoles primaires de la Vallée, suivant la méthode Dichonnéro di petsou patoésan de Raymond Vautherin[59].
Les études menées par le BREL au cours des dernières décennies ont permis la création du Gnalèi, mot signifie « nid » en valdôtain, mais indiquant également le pain que l'on cuisait autrefois avant Noël et consommé ensuite pendant toute l'année. Il s'agit d'un site internet entièrement trilingue (français-patois-italien), accueillant toutes les informations recueillies par les enquêtes du BREL et présentant en particulier un glossaire trilingue avec support audio pour la prononciation, ainsi qu'un recueil de textes lus avec l'enregistrement audio dans les différentes variantes régionales valdôtaines[60].
Il faut enfin signaler que le francoprovençal est historiquement présent en Italie dans les vallées arpitanes du Piémont et dans les deux enclaves linguistiques dans les Pouilles, Celle di San Vito et Faeto. Dans ces deux cas, il s'agit d'une pratique en voie de disparition et limitée aux générations les plus âgées.
Dans plusieurs villages du Valais (Savièse, Nendaz, etc.) et de la Gruyère, le francoprovençal demeure la langue vernaculaire d'expression courante des personnes âgées de 60 ans ou plus. Il a une plus grande importance encore à Évolène, petit village du val d'Hérens, où les enfants apprennent encore le patois évolénard en famille[61],[62]. S'il n'est pas parlé par tous, il est compris par la majorité des habitants, toutes générations confondues.
Il existe un certain nombre d'instituts qui travaillent sur le francoprovençal, et qui font souvent autorité sur de nombreuses questions :
En Vallée d'Aoste, la principale compagnie théâtrale est Lo Charaban, fondée en 1958 à l'initiative de René Willien. Elle met en scène un spectacle unique répété pendant une semaine au théâtre Giacosa d'Aoste, les acteurs jouant régulièrement à guichets fermés[réf. nécessaire].
L'autre événement théâtral d'envergure en patois est le Printemps théâtral. Il prévoit des représentations sur tout le territoire régional. Il réunit toutes les compagnies locales, composées surtout par des jeunes[réf. nécessaire].
Dans les deux cas, il s'agit d'acteurs non professionnels.
Dans les districts de la Gruyère, de la Veveyse et de la Sarine, des pièces en patois fribourgeois sont jouées chaque année. Elles réunissent un public et des acteurs de la région autour d'une langue commune, au service de chants et de scènes plus ou moins traditionnels suivant les auteurs. L'action, qui mobilise généralement peu de personnages, se déroule la plupart du temps dans des espaces familiers. Les comédiens amateurs sont patoisants ou apprennent à prononcer correctement grâce aux autres membres de la troupe. Quant aux rares auteurs actuels, ils créent des œuvres inédites et assurent ainsi le renouvellement du répertoire théâtral en patois[réf. nécessaire].
Les premières pièces en patois ont été composées vers 1920 par Cyprien Ruffieux, Fernand Ruffieux, Joseph Yerly, Pierre Quartenoud, l'Abbé François-Xavier Brodard et Francis Brodard. Il s'agissait de « drames genre Roméo et Juliette au village » (A.-M. Yerly), de scènes au chalet puis de légendes mises en scène, ou de « comédies musicales » sur des airs de l'abbé Bovet. Comme les associations de patoisants n’existaient pas encore (elles seront fondées entre 1956 et 1984), les sociétés de jeunesse, de Costumes et Coutumes et de Chant et Musique organisaient les représentations. À partir de 1936, des troupes de Sâles, Mézières, Le Crêt et Treyvaux ont apporté une large contribution au théâtre patois. Le Tsêrdziniolè de Treyvaux a assuré la continuité de la tradition (il prend la relève de la Société de Chant et musique qui joua pour la dernière fois en 1959) en jouant une pièce en moyenne tous les trois ou quatre ans. Le style évolue : après les drames, ce groupe crée ses propres pièces. En 1985, le premier opéra populaire patois Le Chèkrè dou tsandèlê de Nicolas Kolly sur une musique d'Oscar Moret y est joué le temps de huit représentations à guichet fermé[réf. nécessaire].
Encore bien vivant dans le canton, le théâtre en patois ne manque ni de public ni de relève. Évolution des thématiques (vie au chalet, montagne, terre, famille) tout en respectant la tradition, épisodes « historiques » du village, traduction de comédies et de farces et créations inédites sont un gage de succès pour cet art populaire qui appartient au patrimoine culturel fribourgeois[réf. nécessaire].
Les patoisants sont regroupés en amicales, une par district, chargées de l'organisation et de la mise sur pied des représentations. Les amicales sont chapeautées par la Société cantonale des patoisants fribourgeois. Cette dernière joue un rôle de coordination et de promotion mais ne s’occupe pas de l’organisation d’événements[réf. nécessaire].
Les troupes de théâtre actuelles du canton sont :
Créée en Savoie en 2007 par l'association Aliance culturèla arpitanna, la diffusion de la première radio francoprovençale couvrant l'ensemble du domaine linguistique, Radiô Arpitania, reprend sur Internet en 2012 depuis son studio de Prilly, en Suisse. Celle-ci fonctionne grâce à l'envoi de matériel audio - chansons, textes lus, interviews, reportages, etc. - envoyé par des locuteurs de l'ensemble de l'Arpitanie (Suisse, France et Italie). Elle présente également les balados (baladodiffusions, podcasts) actuels des différentes régions francoprovençales : « Les langues se délient » sur RCF des pays de l'Ain (bressan et espéranto en alternance), « Et si l'on parlait patois » sur RCF Haute-Savoie, Intré Nò sur Radio Fribourg, en Suisse.
Depuis 1956 (journées romandes des patoisants à Bulle), les régions francoprovençalophones de Suisse, de France et d'Italie organisent à tour de rôle une fête internationale réunissant les locuteurs des trois pays. Ce rendez-vous est l'occasion pour les locuteurs de France, de Suisse et d'Italie de se retrouver autour de conférences, de débats, de concerts et de danses traditionnelles[réf. nécessaire].
En 2018, le francoprovençal demeure une langue vivante et parlée en tant que langue maternelle uniquement en Vallée d'Aoste dans plusieurs domaines de la vie quotidienne et également chez les jeunes générations[68].
En France, ce sont surtout les activités associatives qui soutiennent la diffusion de cette langue. Cependant, l'usage du francoprovençal au quotidien était, selon une étude de 2009, de 2 % des habitants des espaces ruraux en Rhône-Alpes et négligeable en zone urbaine[69].
En 2015, deux collectivités, la région Rhône-Alpes et la région autonome Vallée d'Aoste ont signé une charte de coopération afin de sauvegarder, faire connaître et faire vivre le francoprovençal dans toutes ses composantes que sont l'enseignement, la formation, la visibilité publique de la langue, les médias et les industries culturelles, le spectacle vivant, les outils linguistiques ainsi que le patrimoine culturel matériel et immatériel. Plusieurs collectivités suisses ont également manifesté leur intérêt[70].
Traits caractéristiques[réf. nécessaire] :
Le tableau ci-dessous compare des mots francoprovençaux à leurs équivalents dans différentes langues romanes à partir du latin.
On remarque notamment l'évolution du « p » latin en « v », du « c » et « g » en « y », et la disparition du « t » et « d ». Il y a plus de similitude avec le français qu'avec les autres langues romanes en comparaison[réf. nécessaire] :
Latin | Francoprovençal | Français | Catalan | Occitan (provençal) | Occitan (vivaro-alpin) | Piémontais | Italien |
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clavis | cllâf | clef (clé) | clau | clau | clau, passa | ciav | chiave |
cantare | chantar | chanter | cantar | cantar | chantar, cantar | canté | cantare |
cambiare | changiér | changer | canviar | cambiar | chambiar | cambié | cambiare |
fabrica | favèrge | forge, fabrique | farga | fabrega | farja, fauria | fabbrica (de l'italien) | fabbrica, forgia, fucina |
manducare | mengiér | manger | menjar | manjar | manjar | manghié | mangiare (vient de l'ancien français) |
capra | chiévra, cabra | chèvre | cabra | cabra | cabra, bica | crava | capra |
lingua | lengoua | langue | llengua | lenga | lenga | lenga | lingua |
nox, noctis | nuet | nuit | nit | nuech | nuech | neuit | notte |
sapo, saponis | savon | savon | sabó | sabon | sabon | savon | sapone |
sudare | suar | suer | suar | susar | suar, susar | sudé (dialectal strassué) | sudare |
vita | via | vie | vida | vida | vita, vida | vita (ancien via) | vita |
pacare | payér | payer | pagar | pagar | paiar, pagar | paghé | pagare |
platea | pllace | place | plaça | plaça | plaça | piassa | piazza |
ecclesia | égllése | église | església | glèisa, glèia | gleisa | gesia ou cesa | chiesa |
caseus (formaticus) | tôma, fromâjo | tomme, fromage | formatge | fromatge | fromatge, fromatgi | formagg ou toma ou formaj | formaggio |
Le francoprovençal utilise le système décimal. Cela se retrouve en français régional pour les 70, 80 et 90 (70 sèptanta /sɛˈtɑ̃tɑ/, 80 huitanta /vwiˈtɑ̃tɑ/, 90 nonanta /noˈnɑ̃tɑ/). Cependant les dialectes occidentaux utilisent le vigésimal (base 20) pour 80, quatro-vengts /katroˈvɛ̃/, « 120 » (siéx-vengts) est redevenu cent-vengt[réf. nécessaire].
Au cours du temps, plusieurs orthographes ont été utilisées pour écrire le francoprovençal. On peut les diviser en deux groupes, selon leur transparence orthographique :
En premier lieu sont apparues les orthographes étymologiques, basées sur le bas-latin et ensuite sur le français, la langue dominante de l'activité intellectuelle dans la région. Puis, dans le cadre des recherches des dialectologues, les orthographes transparentes, visant de reproduire fidèlement son parler, sont apparues. De même, dans le cadre d'une réaffirmation de l'identité régionale dans les années 1970, la graphie transparente de Henriet, visant une rupture plus marquée avec le français, est apparue[réf. nécessaire].
La « Graphie de Conflans » est un système orthographique du francoprovençal (savoyard principalement) créé en 1981 par le « groupe de Conflans »[76]. Formé à l'initiative de Marius Hudry, historien savoyard et patoisant réputé, et du dialectologue Gaston Tuaillon, et composé de patoisants venant de toute la Savoie, ce groupe se rassembla lors de nombreuses réunions dont le but était de permettre au savoyard d'adopter une forme écrite assez simple et reconnue par tous, forme qui ne pouvait se permettre d'être très complexe au vu de l'état de grande détresse de la langue savoyarde ; c'est donc ainsi que vit le jour un système orthographique semi-phonétique ne gardant du français que la prononciation de l'alphabet et non l'orthographe[77]. À l'issue de trois années de nombreuses enquêtes dialectales, de recueils d'enregistrements, ainsi que de la composition de glossaires, la première forme aboutie de cette graphie est publiée dans les Cahiers du vieux Conflans en 1983[réf. nécessaire].
API | Exemples français | Graphie de Conflans | Exemples savoyards | |
---|---|---|---|---|
Voyelles non nasalisées (différemment orthographiées) | [ø] | il veut | eû | la ryeûte (la pente) |
[œ] | la peur | eù | tòteùra (plus tard) | |
[o] | haut | ô | shotan/tsôtan/stôtan (été) | |
[ɔ] | le sol | ò (accent non obligatoire) | mòshyu/mòstyu (mouchoir) | |
[ɑ] | pâte | â | apréstâ (préparer) | |
[ä] | Paris | à (accent non obligatoire) | pàta (chiffon, éponge) | |
Semi-voyelles (différemment orthographiées) | [ j] | bouteille, payer, iode | y | yô (haut), frozyé (se développer) |
[w] | oui, louis | ou | on nouire (un noyer) | |
Voyelles nasalisées (différemment orthographiées) | [ã] | lent | an | l'àvan (l'osier) |
[õ] | long | on | nyonsan (nulle part) | |
[ɛ̃] | Ain | in | on shin/tsin/stin (un chien) | |
Consonnes (différemment orthographiées) | [s] | face, casse | s (ss entre deux voyelles) | mossâr (motte de terre avec son herbe) |
[z] | vase | z | klyôzatâ' (cligner des yeux, clignoter) | |
[k] | casque, quête | k | koston (cou), lou kakatin (les toilettes) | |
[ge], [gi], [gœ] | guetter, Guillaume, gueux | gué, gui, gueu | r'guétâ (regarder), guilye (motte de beurre) | |
[ ɲ] | montagne | ny | nyolè (nuage) | |
[ʎ] | paille | ly | pelyë (cheveux) | |
[ j] (consonnes palatales) | panier | y | ||
[ ʒ] | jaune | j | jarzë (tricot en laine), jambri (souffrir) |
Liste de quelques ouvrages en Graphie de Conflans :
Dans son ouvrage La lingua arpitana[79], Joseph Henriet (en francoprovençal : Joze Harrieta) propose une graphie supradialectale, afin de former une koinè francoprovençale. À chaque lettre une prononciation. La prononciation précise peut varier entre les régions (les accents en linguistique). La prononciation généraliste est indiqué dans le tableau, et les variations sont notés en bas. Les lettres entre parenthèses servent à indiquer une prononciation spécifiquement locale lorsque le contexte l'exige.
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Notes sur la prononciation :
L’Orthographe de référence B (ORB) est une proposition de graphie supradialectale proposée par le linguiste Dominique Stich pour unifier l'orthographe du francoprovençal et de ses patois[80]. Elle est l'amélioration de l’orthographe de référence A proposée en 1998 dans l'ouvrage Parlons francoprovençal (éd. L’Harmattan)[81].
Cette graphie utilise des lettres « quiescentes » (étymologiques ou pseudo-étymologiques, qui ne se prononcent pas) permettant de différencier les homonymes, sur le modèle des orthographes de référence des deux autres langues romanes que sont le français et l'occitan.
Ces lettres muettes servent également à indiquer au lecteur si l'accent tonique tombe sur la dernière syllabe ou non.
En ORB seuls les mots en -a, -o, -e, -os, -es et la finale verbale -ont (français -ent) sont paroxytons (accentués sur l'avant-dernière syllabe).
Selon la Fédération internationale de l'arpitan ACA : « il n'existe pas de « prononciation supradialectale », l'ORB ne sert pas à standardiser la langue dans ses formes orales. L'ORB ne sert qu'à pouvoir diffuser des textes à l'écrit à un public plus large que la communauté de locuteurs dans laquelle il a été écrit[82] ».
France | Suisse | Italie | Dialectes de transition (France)
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L'orthographe diffère selon les auteurs. Martin (2005) donne l'exemple entre Bressan et Savoyard. Duboux (2006) entre le français et le vaudois[83].
Français | Francoprovençal | Savoyard | Bressan | Valdôtain | Vaudois |
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Bonjour ! | Bonjorn ! | Bonzheu(r) ! | /bɔ̃ˈʒø/ | Bondzor ! | Bondzo ! |
Bonne nuit ! | Bôna nuet ! | Bouna né ! | /bunɑˈnɑ/ | Baanét ! | Bouna né ! |
Au revoir ! | A revêre ! | A'rvi / A'rvè ! | /a.rɛˈvɑ/ | Au revoir ! | À revère ! |
Oui | Ouè | Ouâ, Ouè | /ˈwɛ/ | Ouè | Oï, Oyî, Vâ, Ouâi, Voué, Vaî |
Non | Nan | Nà, Nan | /ˈnɔ̃/ | Na | Na |
Peut-être | Pôt-étre / T-èpêr | P'tètre, Dèbin (val d'arly) | /pɛˈtetrə/ | Magâ | pâo-t-ître |
S’il vous plait | S’o vos plét | So'plé / Chô'plé, Ch'vô plé | /sevoˈplɛ/ | Pe plésì | Se vo plyé |
Merci ! | Grant marci ! | Mârchi dû, Granmacî ! | /grɑ̃marˈsi/ | Gramasì | Grand macî ! |
Un homme | Un homo | On omou, On omo | /in ˈumu/ | Eun ommo | On hommo |
Une femme | Una fèna | Na fena, Na foumâla | /nɑ ˈfɛnɑ/ | Euna fenna | Onna fènna |
L’horloge | Lo relojo | Le / lo r'lozhe | /lo rɛˈlodʒu/ | Lo relojo | Lo relodzo |
Les horloges | Los relojos | Lou / lo r'lozhe | /lu rɛˈlodʒu/ | Lé reloge | Lè relodze |
La rose | La rousa | La reuza | /lɑ ˈruzɑ/ | La rosa | La roûsa |
Les roses | Les rouses | Lé reuza | /lɛ ˈruze/ | Lé rose | Lè roûse |
Il mange. | Il menge | Â mdyè, Â mëzye | /il ˈmɛ̃ʒɛ/ | Y meudje | Ye medze |
Elle chante. | El / Lyé chante | Lyé sh/st/tsante | /ɛl ˈʃɑ̃tɛ/ | Llie tsante | Ye tsante |
Il pleut. Il pleuvine. | O pllôt / plluvigne | É plyu | Y plout | Ye plyâo | |
Il pleut. | O brolyasse. | /u brulˈjasə/ | |||
Quelle heure est-il ? | Quint’ hora est ? | Kint'aoura y'é ? / Kint'(y)eura y'é | Quent’eura l’è-t ? | Quint'hâora l’è-te ? | |
Quelle heure est-il ? | Quâl’ hora qu’el est ? | /tjel ˈoʒɑ ˈjə/ | |||
Il est six heures et demie. | El est siéx hores et demi | É ché z'aoura é d'myé | L’è-t chuis eure é demi | L’è sî z'hâore et la demi. | |
Il est six heures et demie. | El est siéx hores demi | /ˈɛjɛ siʒ ˈoʒə dɛˈmi/ | |||
Comment vous appelez-vous ? | Quê que vos âdes niom ? | Kint non vo-z'é ? | Quen non avéde-vo ? | ||
Comment vous appelez-vous ? | Coment que vos vos apelâds ? | /kɛmˈe kɛ ˈvu vu apaˈlo/ | Quemeint vo appelâ-vo ? | ||
Je suis content de vous voir. | Je su bonèso de vos vêre | D'si / Si fran kontê d'vo vè. | Dze si bien contèn de vo vére. | Ye su conteint de vo vère. | |
Je suis content de vous voir. | Je su content de vos vêre | /ʒɛ si kɔ̃ˈtɛ də vu vɑ/ | |||
Parlez-vous patois ? | Prègiéds-vos patouès ? | Prezyé-vo patyué ? | Prédzade-vo patoué ? | Parlâ-vo patois ? | |
Parlez-vous patois ? | Côsâds-vos patouès ? | D'vezâ-vo patyué ? | /koˈʒo vu patuˈɑ/ | Dèvesâ-vo patouè ? |
Presque la totalité des toponymes de l'aire de la langue francoprovençale ont pour origine cette langue. Le francoprovençal n'ayant jamais été langue officielle (à part quelques exceptions éphémères), ces toponymes sont transcrits sous une forme francisée. Ainsi, pour désigner la ville de Genève, le français moderne a adopté une forme francisée du nom francoprovençal Geneva [ðəˈnɛva], et a abandonné le nom du moyen français, Genvres[84].
Dans la toponymie officielle, la principale source de survivance du francoprovençal se fait dans un certain nombre de suffixes caractéristiques : -az, -ez, -ad, -o(t)z, -od, -oud, -uz, -ax, -ex, -ux, -oux et -ieu(x)[85],[86]. Ils indiquaient la syllabe accentuée. La dernière consonne est rarement prononcée, ou bien sa prononciation indique l’origine étrangère du locuteur. Pour les noms multisyllabiques, « z » indique l'accentuation sur l'avant-dernière syllabe, et « x » sur la dernière, exemple : Chanaz : /ˈʃɑ.nɑ/ (shana) ; Chênex : /ʃɛˈne/ (shèné). On peut relever que ces « x » et « z » finaux n'ont jamais été une lettre, mais ils rapportent une fioriture de l'écriture de ces noms remontant au Moyen Âge[87].
Les sous-sections suivantes sont des exemples par régions :
[frp]
dans la base de données linguistique Ethnologue..Sur les autres projets Wikimedia :
[frp]
dans la base de données linguistique Ethnologue.(non datés) :