Les langues ouraliennes (du nom de l'Oural, leur lieu supposé d'origine) ou, plus rarement langues finno-samoyèdes[1] sont une famille d'une trentaine de langues parlées par à peu près 20 millions de personnes en Europe et en Sibérie. Les langues ouraliennes ayant le plus de locuteurs sont le hongrois, le finnois et l'estonien.
Langues ouraliennes
Pays
Hongrie et pays voisins, Finlande, Estonie, Lettonie, Russie
Répartition approximative des branches des langues ouraliennes: finno-permiennes (en bleu), ougriennes (en vert), samoyèdes (en jaune). Le youkaguir, peut-être rattaché à l'ouralien, est en magenta.
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Classification interne
Si la répartition interne des langues ouraliennes est sujette à débat depuis sa création, deux sous-familles, les langues finno-ougriennes et les langues samoyèdes, sont reconnues comme bien distinctes, bien que certains considèrent que les langues samoyèdes ne sont qu'une simple branche de la famille finno-ougrienne, qui ne se distinguerait pas alors de l'ouralien tout entier. L'ouralien aurait pour proto-langue le proto-ouralien, qui se serait divisé en proto-finno-ougrien(en) et proto-samoyède(en).
De façon générale, les langues ouraliennes se répartissent actuellement en sous-groupes bien caractérisés, mais les relations plus anciennes de ces sous-groupes sont peu claires, peu étudiées, et rendent difficile de les rassembler en branches plus larges[2].
Arbre généalogique
Classification traditionnelle
La classification traditionnelle des langues ouraliennes est la suivante[3]. Les synonymes sont en italique.
Les principales caractéristiques structurelles communes aux langues ouraliennes sont les suivantes:
ce sont des langues agglutinantes;
elles possèdent un grand nombre de cas (en moyenne 13–14), par exemple:
erzya: 12 cas,
estonien: 14 cas,
finnois: 15 cas (ou plus),
hongrois: 18 cas (et d'autres suffixes agissant comme des cas),
same d'Inari: 9 cas,
komi: dans certains dialectes, jusqu'à 27 cas,
mokcha: 13 cas,
nénètse: 7 cas,
same du Nord: 6 cas,
oudmourte: 16 cas,
vepse: 24 cas;
ces systèmes de cas dérivent tous d'un prototype ouralien commun:
le nominatif singulier n'a pas de suffixe casuel,
les suffixes d'accusatif et de génitif sont des consonnes nasales (-n, -m, etc...),
un système tripartite de cas exprimant le lieu, avec des séries correspondent à peu près à «de», «vers», «dans / à»; c'est particulièrement visible, par exemple, en hongrois qui en possède plusieurs pour exprimer «à l'intérieur», «à l'extérieur», «au-dessus»;
la présence fréquente de l'harmonie vocalique
un accent d'intensité toujours fixé sur la première syllabe, à quelques rares exceptions près;
pas de tons
pas de genre grammatical;
un verbe négatif présent dans presque toutes les langues actuelles;
une distinction de palatalisation chez les consonnes coronales, indépendamment de la voyelle qui suit (sauf dans les langues fenniques, qui l'ont perdue; certaines l'ont ensuite réacquise secondairement devant voyelle antérieure);
un grand nombre de postpositions alors que les prépositions sont très rares.;
un vocabulaire commun d'à peu près 200 mots, notamment des parties du corps, des membres de la famille, des animaux, des objets naturels, des verbes et pronoms fondamentaux, et des numéraux; les dérivés augmentent le nombre de mots communs;
des suffixes possessifs, mais pas de pronom possessif;
le nombre duel, perdu dans certaines branches;
des marques communes de pluriel: -j / -i et -t /-d;
les numéraux sont suivis du singulier;
pas de verbe «avoir» mais une structure employant la copule et un suffixe possessif, ou une désinence casuelle; ex. en finnois «Minulla on kala» (mot à mot «sur-moi est poisson»).
Des recherches ont été faites pour relier les langues ouraliennes à d'autres familles de langues. Aucune ne fait complètement consensus, mais la moins controversée à l'heure actuelle est celle visant à relier l'ouralien au youkaguir de l'est de la Sibérie au sein d'une famille ouralo-youkaguir.
Michael Fortescue, spécialiste des langues eskimo-aléoutes et des langues tchoukotko-kamtchatkiennes a trouvé des apparentements entre langues ouraliennes, youkaguires, eskimo-aléoutes, et tchoukotko-kamtchatkiennes dans son livre Language Relations across Bering Strait (1998). En 2011, il a retiré les langues tchoukotko-kamtchatkiennes de sa proposition. La famille regroupant l'ensemble de ces langues est appelée famille «ouralo-sibérienne(en)»[7]. Frederik Kortlandt y inclut le nivkhe[8].
D'assez nombreuses ressemblances existent avec les langues indo-européennes, ce qui s'explique soit par une unité ancienne, ou au moins en partie par des contacts anciens (et toujours d'actualité). C'est l'hypothèse «indo-ouralienne(en)» de Björn Collinder.
La famille ouralienne prend position dans des apparentements encore plus larges, telles les propositions de macro-familles eurasiatique (Joseph Greenberg) ou les nostratique (proposé par des linguistes russes dont certains se sont ralliés à la proposition eurasiatique de Greenberg), assez convergentes l'une avec l'autre.
Ces différentes propositions sont globalement assez cohérentes dans la mesure où elles s'emboîtent. Les proximités lexicales ou grammaticales, de plus en plus ténues, correspondent à des profondeurs historiques différentes d'une unité initiale supposée: l'ouralien serait proche d'abord du yukaguir, puis de langues sibériennes, puis de l'indo-européen, enfin d'autres langues de la proposition eurasiatique (turc, mongol, toungouse, coréen, japonais, aïnou) parfois regroupées dans un ensemble dit macro-altaïque.
Même si les familles ouralienne et altaïque font toutes deux partie de la macro-famille eurasiatique de Greenberg, une proximité particulière entre elles est fortement critiquée aujourd'hui. Toutefois, cette hypothèse, dite théorie ouralo-altaïque, proposée dès le XIXesiècle par Matthias Alexander Castrén a prospéré jusqu'au milieu du XXesiècle, où elle était même assez largement acceptée.
Notes et références
(ru) Linguistica Uralica, Perioodika, (lire en ligne)
(en) Tapani Salminen, «Problems in the taxonomy of the Uralic languages in the light of modern comparative studies», dans Лингвистический беспредел: сборник статей к 70-летию А. И. Кузнецовой, Moscou, Presses Universitaires de Moscou, (lire en ligne), p. 44-55
Lehtinen (2007)
Au sens large, l'estonien comprend à la fois l'estonien littéraire, eesti keel, fondé sur les dialectes du nord de l'Estonie, et les langues sud-estoniennes linguistiquement assez distantes.
(en) Michael Fortescue, Language Relations across Bering Strait, 1998
Kortlandt (2004)
Voir aussi
Bibliographie
(en) Andreas Hölzl, A typology of questions in Northeast Asia and beyond, Studies in Diversity Linguistics, (lire en ligne)
(en) Collinder, Björn (1957), Survey of the Uralic Languages, Stockholm.
(en) Collinder, Björn (1960), An Etymological Dictionary of the Uralic Languages, Stockholm.
(en) Daniel Mario Abondolo (dir.), The Uralic languages, Londres, New York, Routledge, coll.«Routledge language family descriptions», , XXIV-619p., 24 cm (ISBN0-415-08198-X, OCLC468378953, BNF37544234, LCCN96029898, lire en ligne)
(en) Décsy, Gyula (1990), The Uralic Protolanguage: A Comprehensive Reconstruction, Bloomington, Indiana.
(en) Frederik Kortlandt, NIVKH AS A URALO-SIBERIAN LANGUAGE, Leiden, Leiden University, (lire en ligne)
(fr) / (en) Jocelyne Fernandez-Vest (dir.), Les Langues ouraliennes aujourd'hui. Approche linguistique et cognitive, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de l'École des hautes études, sciences historiques et philologiques» t. 340, 2005
(hu) Hajdu, Péter, (1963), Finnugor népek és nyelvek, Gondolat kiadó, Budapest [Transl. G. F. Cushing as Finni-Ugrian Languages and Peoples (1975), André Deutsch, Londres].
(hu) Hajdú, Péter, (1975), Uráli népek. Nyelvrokonaink kultúrája és hagyományai, Corvina Kiadó, Budapest. [trad. Les Peuples Ouraliens Leur Culture Leurs Traditions, Horvath, Roanne].
(fi) Laakso, Johanna (1992), Uralilaiset kansat (Uralic Peoples), Porvoo – Helsinki – Juva, (ISBN951-0-16485-2)
(de) Rédei, Károly (ed.) (1986-88), Uralisches etymologisches Wörterbuch, Budapest.
(fi) Sammallahti, Pekka, Matti Morottaja (1983): Säämi – suoma – säämi škovlasänikirje. Helsset/Helsinki: Ruovttueatnan gielaid dutkanguovddaš/Kotimaisten kielten tutkimuskeskus, (ISBN951-9475-36-2)
(en) Sammallahti, Pekka (1988): Historical Phonology of the Uralic Languages, dans Denis Sinor (dir.), The Uralic Languages, pp. 478-554, Leiden, E.J. Brill.
(fr) Sauvageot, Aurélien (1930), Recherches sur le vocabulaire des langues ouralo-altaïques, Paris.
(fi) Tapani Lehtinen, Kielen vuosituhannet, Tietolipas, Suomalaisen Kirjallisuuden Seura, (ISBN978-951-746-896-1)
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